Musique
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Et apparemment, je ne suis pas la seule: en Grande-Bretagne, les ventes de vinyles ont augmenté de 64% comparativement à l’année précédente. Selon BPI, il s’agit du meilleur résultat en 21 ans. Aux États-Unis, Nielsen Soundscan a établi que les ventes ont gonflé de 52%, un record qui n’avait pas été atteint depuis 26 ans. Au Canada, toujours selon Nielsen, il y a eu un accroissement de 40% du nombre de disques vinyles écoulés pendant la première moitié de 2015. Ces quelques statistiques sont étonnantes, spécialement dans un monde où iTunes, Spotify et autres ont révolutionné nos habitudes de consommation.
Pourquoi ce retour inattendu du disque noir?
En partie, à cause de la nouvelle génération (lire hipsters) qui découvre la richesse du son du vinyle, son aspect chaleureux, voire organique, le bonheur d’avoir un objet de collection en sa possession, le rituel associé à l’écoute, le bruit de l’aiguille que l’on dépose sur un sillon… Je crois aussi que Jack White, grâce à ses parutions limitées pour souligner le Record Store Day et à son étiquette Third Man Record, y est pour quelque chose…
Pour les collectionneurs, il y a un plaisir indéniable à chercher, à examiner les albums empilés dans les bacs des disquaires, avec l’espoir de dénicher LE disque, c’est-à-dire une impression originale de l’un de nos groupes fétiches, et ce, en bon état (pas de rayure sur le 33 tours et une pochette intacte). De plus, il y a certaines catégories de mélomanes qui n’ont jamais cessé d’acheter des vinyles, dont les DJ et ceux qui ont hérité de cette passion grâce à leurs parents. Mentionnons également ceux qui regrettent d’avoir vendu leur collection au profit d’un nouveau format (CD ou MP3) et qui ne ménagent pas les efforts pour reconstituer leur discographie originale.
Objet culte des collectionneurs avertis
J’ai eu récemment l’occasion de discuter avec Pierre Markotanyos, propriétaire du célèbre magasin Aux 33 Tours. Celui-ci affirme qu’il y a deux écoles de pensée: ceux qui écoutaient leur musique grâce aux CD et qui se sont tournés vers YouTube et les audiophiles, ceux qui veulent un contact direct avec l’artiste, une certaine proximité. Ce grand collectionneur admet qu’il y a une certaine nostalgie et un sentiment d’évasion qui sont intimement associés aux vinyles. Il se souvient du bonheur qu’il a éprouvé, à l’âge de douze ans, lorsqu’il a écouté le disque de Rush pour la première fois, sur une table tournante. La musique sur internet constitue, à ses yeux, «un back-up quand on cuisine».
Fait intéressant: il a remarqué que sa clientèle s’est diversifiée au fil des années; beaucoup plus de femmes, surtout la fin de semaine (8 contre 3) et de jeunes (âgés entre 7 et 15 ans) fréquentent désormais sa boutique.
Il explique également que les out of print valent aujourd’hui leur pesant d’or: les disques achetés entre 1991 et 2004 sont très difficiles à trouver, car c’était la période creuse du vinyle. Certains albums parus pendant ces années-là se chiffrent maintenant entre 200 $ et 400 $, c’est le cas de ceux de Tool, Korn et Bruce Sprinsteen. De plus, le disquaire en profite pour déconstruire le mythe de la fameuse impression originale: les nouvelles impressions sont moins dispendieuses (donc on peut en acheter plus) et une impression d’époque n’est pas un gage de qualité supérieure, car l’usure peut endommager le son et même abîmer l’aiguille.
Cette tendance, les gens de l’industrie l’ont comprise…
En effet, il n’y a pas que les disquaires qui profitent de cette résurgence; les fabricants de produits dérivés en bénéficient également. HMV a vendu une table tournante par minute pendant la période des Fêtes et Panasonic, qui avait cessé la production de la Technics SL-1200 en 2010, a proposé son successeur, la Technics SL-1200G. John Lippman, le nouveau propriétaire de Columbia House, veut également saisir cette occasion. En effet, le défunt club, qui permettait aux abonnés de recevoir des CD à la maison, renaîtra de ses cendres en 2016 afin d’offrir des disques vinyles. Pour le moment, cela semble être un pari risqué puisque les 33 tours représentent 7% du total des ventes en musique aux États-Unis et seulement 2% en l’Angleterre.
Ceci étant dit, les amateurs qui affectionnent ce format ne devraient pas trop s’inquiéter puisque de plus en plus d’artistes contemporains font paraître leurs albums en format vinyle. Et ça, c’est vraiment chouette, car une pochette est aussi une oeuvre d’art! C’est facile de brancher son téléphone pour écouter de la musique, mais c’est une tout autre expérience que de faire le survol de sa collection, de choisir l’album qui correspond à notre humeur du moment, de le placer sur la table tournante et de se laisser envelopper par la musique.
Et puisque demain (samedi 16 avril) sera le Record Store Day, voici quelques bonnes adresses de disquaires à Montréal:
- Atom Heart: 364, rue Sherbrooke Est
- Aux 33 Tours: 1373, avenue Mont-Royal Est
- Cheap Thrills: 2044, rue Metcalfe (2e étage)
- Death of Vinyl: 6307, boulevard Saint-Laurent
- L’Oblique: 4333, rue Rivard
- Sound Central: 4486, avenue Coloniale
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