MusiqueLa petite anecdote de
Crédit photo : Jean-Martin Gagnon
«Ça faque là, ça faisait à peu près deux mois que j’avais arrêté de boire. P’t’être trois? Je sais pu’. Ça fait bizarre à dire, mais quand tes mois, tes semaines, tes journées, tes heures sont ponctués de craquages de pétilles cheap ou d’sifflages de deux bouteilles pour cinq piasses au dep’ chez Steph depuis que t’as 17 ans, quand tu prends un break, ça feel au ralenti. Des fois, en fast forward, d’autres fois au ralenti, oui, mais jamais su’l bon pace.»
«Bref, c’était une belle journée d’automne. J’me pâme pas trop sur l’arrivée de l’hiver d’habitude, mais là j’me disais que le frette allait faire du bien parss’ la chaleur ça donne soif. Le soleil itou. Les ami.e.s. Les parcs. Les chiens qui courent. Les terrasses. La vitamine D.»
«Ç’allait bin, j’avais pas trop envie d’une bière. L’envie reste, mais l’habitude part. J’appréhendais ma soirée à venir. J’allais me ramasser dans une soirée avec du vin rouge, des craquelins, des p’tits pâtés salés pis du fromage que j’allais faire semblant de trouver bon.»
«Comme dans les dernières semaines, j’suis passé au dep’ m’acheter mon pack de Grolsh sans alcool. C’était pas mal devenu ma préférée. Ma bouée orange fluo, pis mon fléau attaché à mes pieds.»
«En arrivant là-bas, j’me suis présenté aux gens que j’connaissais pas. J’ai caché mes cannettes dans le mini fridge pis j’ai vidé le contenu non alcoolisé de la première dans un verre à bière fancy. Un stratagème pas débile. Un amer mélange entre le “ça m’tente pas d’m’expliquer une énième fois de pourquoi j’ai arrêté d’boire” pis “le si c’est dans un grand verre propre écrit Labatt 50 ça va sûrement goûter moins pire.”»
«Bref, mon brillant subterfuge a pas fonctionné longtemps. Un peu comme quand le dude dans Big Momma se fait pogner pis que tout l’monde se rend compte que tout ce temps-là c’était un Thin Poppa.»
«Le gars qui s’est rendu compte que j’buvais d’la 0.5% s’était trouvé une mission. Y’allait comprendre pourquoi j’avais arrêté d’boire. À tout prix. 45 ans passé. Beau garçon. Fier de lui, de ses projets. Probablement une pas pire belle maison avec des grosses TV pluguées su’l wifi pis un mini bar tout le temps plein avec un p’tit panier de citrons pis d’limes qu’y’attendent juste d’être en slice su’l bord d’un bloody ceasar.»
«Bin weyons?! Faque là, t’es en train d’me dire que toé, à 26 ans, t’as décidé que t’avais assez trippé? Moi, à 26 ans j’faisais juste commencer! Pourquoi t’as arrêté? T’as tu un problème tant que ça?!»
«Clairement ça venait de trigger quelque chose d’assez intense dans l’cœur pis la tête de ce gars-là. Comme si y voulait que j’le rassure que, lui, y’en avait pas de problème d’alcool. Pis qu’y’avait pas besoin d’arrêter.»
«Comme j’aime pas particulièrement la confrontation, pis que je préfère la fuite, j’suis resté courtois en répondant à moitié à ses questions, que j’trouvais un chouïa inappropriées pour deux personnes qui viennent de se rencontrer.»
«J’ai quitté la soirée pas trop longtemps après. En me disant que ce qui est tough quand tu prends une pause d’alcool, c’est pas tant d’arrêter d’boire, mais de l’assumer pis de faire face aux commentaires, questions pis autres curiosités mal placées des gens qui se demandent si y’en ont un, un problème, eux-autres.»
«Anéwé. J’écris ces dernières lignes un peu hangover, les lèvres su’l bord d’une Pabst, pis j’me demande si je devrais pas reprendre une pause. Mais m’a y penser demain.»