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Crédit photo : Spectra Musique
Pas tout à fait exit, les récits fictifs ou d’enfance et les histoires imagées à la «couché au creux des manteaux des matantes» qui rendaient jaloux le grand Michel Rivard, en 2011, à la sortie de Le triangle des Bermudes. Mais il faut avouer que les textes des douze nouvelles pièces signées Patrice Michaud sont davantage orientés vers l’amour, l’intime et le désir. C’est d’ailleurs le cas du premier extrait radio, «Mécaniques générales», une chanson un peu plus pop, aux hands claps subtils qui accompagnent bien les guitares acoustiques franches d’André Papanicolaou, aussi à la réalisation. «Oh ma belle amie, oh mon ange gris, pourquoi les jours sont si courts avec toi?» chantent Michaud et ses acolytes en harmonie, durant un refrain des plus accrocheurs.
Les sonorités folk qui ont fait connaître Patrice Michaud ne l’ont pas quitté, comme en témoignent les ballades douces et sensibles aux guitares acoustiques prédominantes, comme «Je cours après Marie» et «Loin de Disneyland», un morceau personnel et vrai à la poésie tristement jolie et sans artifice: «Ma paye qui brûle le jeudi soir pour que t’oublies de t’en aller». Mais la plus belle offrande témoignant du désir d’authenticité de Michaud demeure «Deux lignes rouges», une pièce apaisante aux doux tam-tams omniprésents, dans laquelle l’artiste parle à son fils à venir, lui racontant sa «grande nuit et petit jour; C’était vendredi, les deux lignes rouges», qui lui confirmèrent la grossesse de sa partenaire. Un témoignage d’amour saisissant, livré tendrement, sur fond de mélodie à la guitare électrique, conférant à la chanson un style presque western.
Pourtant, c’est en lion que l’interprète ouvre son nouvel album, avec «Des cowboys, des indiens», une pièce aux guitares uniquement électriques, qu’elles soient rythmiques ou mélodiques, et aux percussions qui contribuent à l’univers cinématographique créé. «Y’a donc bien des cowboys pour ce qu’il reste d’indiens» répète-t-il, dans un refrain fracassant, en plein saloon, pistolet à la main et chapeau sur sa tignasse bouclée. Du moins c’est ce qui pourrait aisément être imaginé à son écoute. Le feu de chaque jour n’est cependant pas vraiment country, mais c’est qu’il n’est pas tout à fait rock non plus, malgré sa chanson-titre, interprétée en duo avec la sublime Salomé Leclerc, dont la voix éraillée s’harmonise à merveille avec celle chaleureuse de Michaud, et qui présente une guitare et un piano saccadés donnant le ton à ce morceau percutant.
C’est sur «M’espères-tu», une chanson à la groove intéressante, presque blues, et aux claviers de François Lafontaine aux sons d’orgue, qu’on retrouvera à nouveau Salomé Leclerc pour «faire jouer jusqu’au bout le best of de nous». Habile auteur malgré des rimes ou images parfois faciles, Michaud aime jouer avec les mots, mais surtout avec les sonorités, envoyant ici et là de jolis «Tu avais les ongles longs, j’avais les ondes courtes» («Mécaniques générales»).
Un autre talent de Patrice Michaud est celui de conteur, qu’il exploite à merveille en spectacle, et qu’il avait prouvé sur disque, déjà en 2011, avec un récit qu’on imagine autobiographique intitulé «Cap-Chat / Montréal». Il répète ici l’expérience, sans toutefois que ça n’ait rien à voir: la voix chaude de Michaud se fait entendre sur un fond de musique davantage présent. Et d’ailleurs, elle récite davantage qu’elle raconte. Texte plus poétique mais moins personnel, «La faille de San Andreas» est agréable à l’oreille, mais bien moins poignante que le monologue de Le triangle des Bermudes.
L’artiste aime aussi jouer avec les musiciens, qui ont enregistré les instruments tous ensemble, en même temps dans le studio, pour donner à Le feu de chaque jour des sonorités plus vraies, plus près des vieux enregistrements qui ont sans doute bercé son enfance. «Le crash du Concorde», la pièce la plus près du vieux rock’n’roll, aussi l’une des plus dynamiques de l’album, avec son rythme régulier de caisse claire et ses guitares chaudes et envoûtantes, aurait d’ailleurs été enregistrée en une seule prise. Mais c’est tout ce que ça prenait à Patrice Michaud pour raviver la flamme dans le cœur d’un public déjà conquis, et pour attiser le feu assez pour qu’un nouveau public le découvre. Car il en est bien temps, c’est l’authentique vérité.
«Le feu de chaque jour», le second opus de Patrice Michaud, est en magasin depuis le 4 février 2014. Pour plus d’information, consultez le www.patricemichaud.ca.
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de la rédaction