MusiqueCritiques d'albums
Rufus Wainwright n’est pas «Out of the Game», malgré ce qu’annonce le titre de son plus récent album. Le chanteur montréalais, qui parle de ce septième opus comme étant le plus pop et le plus accessible de sa discographie, dit s’être inspiré de son passé difficile, du décès de sa mère survenu en janvier 2010, de la naissance de sa fille et de son mariage à venir.
Avec Out of the Game, Rufus Wainwright se détache complètement de l’atmosphère solennelle et presque tragique qui avait fait la réputation de son dernier album, All Days Are Nights: Songs of Lulu. Écrit pendant les derniers mois de vie de sa mère, la musicienne Kate McGarrigle, l’album est paru quelques semaines après son décès. Si All Days Are Nights, dont on a souligné la complexité des mélodies en opposition à la simplicité des textes, incarnait le deuil profond de Rufus, Out of the Game s’en inspire, mais comme élément déclencheur seulement.
«Une mère donne deux fois naissance à son fils», a répété Rufus Wainwright à quelques reprises. «Une fois à l’accouchement, une deuxième fois lorsqu’elle meurt. Depuis que Kate n’est plus là, j’entends dans ma voix une maturité qui n’était pas là avant. Je sonne aujourd’hui comme un homme, et non plus comme un pauvre petit garçon.» (Elle Québec, no 272, mai 2012). Le chanteur considère avoir atteint un niveau de voix meilleur qu’à l’habitude. Le réalisateur de l’album, Mark Ronson (notamment derrière le succès de Back to Black d’Amy Winehouse) affirme avoir travaillé avec la voix de Rufus comme si elle était un instrument. Pour Montauk, chanson écrite pour Viva, la fille de Rufus, Ronson a suggéré d’enregistrer les voix sur le toit de la maison des Wainwright à Montauk, dans l’État de New York. Cela donne une profondeur différente à la chanson, et derrière les voix, on peut entendre le bruit des vagues.
L’émouvante Candles, dernière pièce de l’album, représente pour Rufus le dernier adieu à sa mère. Lors de l’enregistrement, toute la famille a été mise à contribution. Anna McGarrigle, sœur de Kate, joue de l’accordéon, alors que Loudon Wainwright III, Martha Wainwright, Sloan Wainwright, Lucy Wainwright Roche composent les chœurs, tout comme Jenni Muldaur et Chaim Tannenbaum, de proches collaborateurs des familles Wainwright et McGarrigle. Côté collaborations, Rufus a également fait appel à son bon ami Sean Lennon à la guitare acoustique sur la chanson Sometimes You Need.
Dans les textes, Rufus Wainwright aborde plusieurs sujets qui lui sont chers. «Barbara» fait référence à sa publiciste et proche amie Barbara Charone: «Une chanson d’amour à propos d’une amie», explique Rufus dans le making of de l’album. La naissance de sa fille Viva, telle que mentionnée précédemment, lui a inspiré la magnifique «Montauk», dans laquelle Rufus parle à sa fille – dont la mère est Lorca Cohen, fille de Leonard – de la maison familiale dans laquelle elle ira certainement un jour, et où elle habitera avec ses deux papas. Son histoire d’amour avec son partenaire des dernières années, Jorn Weisbrodt, avec qui il se mariera dans les mois à venir, lui a également inspiré les textes «Respectable Dive», «Jericho» et «Song of You», qui lui sont dédiés.
Voilà un album qui arrive comme un vent de fraîcheur dans l’univers de Rufus Wainwright. Après quelques détours (un spectacle hommage à Judy Garland, l’opéra Primma Donna, qu’il a composé en français, et son dernier album All Days Are Nights: Songs for Lulu), Rufus revient à la pop, créant une atmosphère qui se rapproche de son second album, Poses, paru en 2001. Un album très personnel, donc, mais également plus grand public qui plaît déjà beaucoup. Mention spéciale aux chansons «Out of the Game» (et au très beau vidéoclip qui met en scène Helena Bonham Carter), «Welcome to the Ball» («oubliez la mort qui vous attend peut-être au coin de la rue et profitez de la vie», explique Rufus) et «Bitter Tears».
Rufus Wainwright sera le premier artiste montréalais à ouvrir le Festival de Jazz de Montréal avec un grand spectacle gratuit à l’extérieur le 28 juin prochain. Pour plus d’information, visitez le www.montrealjazzfest.com
Appréciation: ****
Crédit photo: www.rufuswainwright.com
Écrit par: Camille Masbourian