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En 2009, Mica Levi (alias Micachu) avait ébloui les critiques britanniques avec Jewelry: un amalgame de grime et de pop indé offert dans un enrobage lo-fi à l’os. Trois ans plus tard, Levi refait surface pour réclamer son titre de princesse tomboy du «grindie». Sur Never, elle met de côté ses tendances les plus pop et fonce tête première dans l’expérimentation.
Les trois premières chansons du disque ne dépassent pas la marque des deux minutes et proposent un cours accéléré en Micachu 101. Véritables fouillis d’instruments à peine identifiables et de rythmes étourdissants, les chansons de Never crachent sur toutes les conventions musicales. En plus de la guitare amochée de la chanteuse et du synthé hyperactif des Shapes, on peut entendre un aspirateur, des bouteilles de verre et autres percussions trafiquées un peu partout sur l’album. Comme dirait Milhouse Van Houten: «Radical!». Grâce à des études en composition classique, Levi réussit à assembler tous ces éléments disparates pour former un beau bricolage sonore juste assez chambranlant.
Les habitués de Micachu vont tout de suite remarquer la quantité réduite de morceaux «bonbons» à se mettre sous la dent. Les singles plus mélodiques de Jewelry («Golden Phone», «Just In Case», etc.) ont été remplacés par des pièces coup-de-poing aux influences hip-hop. L’ombre du rap alternatif d’Odd Future (inspiration avouée de la chanteuse) plane sur des titres comme «Easy» et «Low Dogg». On se fait bardasser par les beats abrasifs et les innombrables changements de tempo. «Holiday», hymne aux fameux temps des vacances, est le seul morceau de l’album avec un refrain standard. «Cannot wait for my holiday, I’ve had my work cut out for me», chante Levi de sa voix attachante.
Le trio se met à explorer de nouvelles avenues pour la deuxième partie du disque. «Glamour» et «Fall» donnent dans l’échantillonnage en collant des samples de conversations et d’extraits de film à l’instrumentation chaotique de Micachu. Plus loin, Wesley Gonzales, chanteur de l’excellente formation grunge-pop Let’s Wrestle, vient prêter sa voix à «Nothing». Réinterprétation corrosive des ballades langoureuses des années 1950, la pièce met de l’avant tout le potentiel vocal de Levi, ainsi que son talent indéniable pour les harmonies de groupe.
Never n’est pas l’album le plus accessible de l’année, et c’est exactement ce qui fait son charme. Les chansons vont dans tous les sens et arrivent tout juste à supporter le poids des idées de Mica Levi. C’est l’œuvre d’une musicienne qui fait à sa tête et qui n’a rien à faire des compromis. Artiste ésotérique à découvrir pour les amateurs de Gorillaz et Dirty Projectors.
Appréciation: ***½
Crédit photo: Rough Trade Records
Écrit par: Louis-Jean Trudeau