«Melodrama» de Lorde – Bible urbaine

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«Melodrama» de Lorde

«Melodrama» de Lorde

Chronologie d'un party éphémère

Publié le 28 juin 2017 par Édouard Guay

Crédit photo : Republic

Depuis la parution de son premier album Pure Heroine, tout est allé si vite pour Lorde (de son vrai nom Ella Marija Lani Yelich-O'Connor). Propulsée au rang de superstar à 17 ans, en tête d’affiche de toutes les programmations de festivals, la jeune Néo-zélandaise a vécu son adolescence sous les feux de la rampe, ce qui ne l’a pas empêché de garder toute sa lucidité.

Maintenant adulte, O’Connor aborde le passage à l’âge de la raison sur Melodrama, qui paraît quatre ans après son premier long jeu, ce qui représente une éternité dans le monde musical moderne. Lorde échappe cependant au piège du deuxième album en proposant des pièces matures, riches et torturées, enveloppées de productions variées, tantôt mélancoliques, tantôt entraînantes.

Alors que plusieurs de ses collègues du même âge évoquent des sujets superficiels dans leurs compositions, Lorde adopte une approche métaphysique de la jeunesse hédoniste. Hantée par la déception amoureuse et la quête de soi, la jeune artiste a pris le temps qu’il faut pour songer à tout ce qui la ronge durant son passage à l’âge adulte: quel sens doit-on trouver à tous ces partys sans lendemain? À quoi s’accrocher lorsque la fête se termine? Ces introspections et cette sagesse se transposent de brillante façon sur Melodrama, dont l’ambivalence et la complexité étonnent et se révèlent progressivement à nous au fil des écoutes.

Entourée d’une équipe de premier choix, dont les auteurs producteurs émérites Jack Antonoff et Frank Dukes, Lorde signe un album à la sagesse calculée, oscillant toujours entre plaisir et mélodrame, tout en passant un message important qui ne se veut jamais moralisateur.

La pièce d’ouverture, «Green Light», nous l’illustre parfaitement: l’artiste aborde avec franchise et transparence la douleur causée par un amour toxique, le tout accompagné d’une rythmique house dansante. Même chose pour la brillante «Sober», où l’ambiance endiablée d’une soirée au cœur de laquelle fusent la drogue et l’alcool se voit freinée par les tourments du lendemain: «We pretend that we just don’t care / But we care», chante Lorde, évoquant ainsi un thème central de Melodrama: la crise identitaire causée par la rencontre entre l’être et le paraître.

L’album ne contient pas que des morceaux festifs et accrocheurs; il propose également une collection homogène de pièces aigre-douce, marquant la chronologie d’une fête où tous jouent un rôle qui ne leur convient pas. Cet amalgame revient souvent, notamment sur la très accrocheuse «Homemade Dynamite», une pièce faussement bon enfant, ou sur «Perfect Places», qui conclut l’album en troquant la quête du bonheur éphémère pour la volonté profonde de trouver sa voie, un combat que traverse bien des jeunes adultes frappés de plein fouet par les responsabilités.

De magnifiques ballades amoureuses viennent aussi se greffer à l’ensemble, dont «Liability» et «Writer in the Dark», dont le refrain est un véritable climax émotionnel. Jamais la voix de Lorde n’a paru aussi divine.

À l’instar des personnages peuplant l’univers qu’elle présente, Lorde a dû se recentrer sur elle-même, propulsée par le tourbillon de la célébrité. Elle fait donc preuve d’une étonnante maturité et d’un sens musical très aiguisé, confirmant ainsi son statut d’artiste majeur de la musique pop. Avec Melodrama, l’artiste signe un hymne à sa génération.

Équilibré, franc et pertinent, l’album est un tourbillon d’émotions, présentant les multiples facettes d’un monde nocturne et festif où tous tentent tant que bien que mal de trouver leur place.

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