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Crédit photo : Carpark
La formation originaire du Massachusetts attire l’attention en évoquant avec force ses influences nineties. L’album Major Arcana se prend comme une bouffée d’air frais avec son rock garage juvénile, une touche irritante. Impossible pour le fan de Pixies ou de Liz Phair de ne pas remonter le cours du temps. Il se revoit adolescent et en compagnie de ses inséparables d’alors, son walkman et ses jeans troués, étendu sur son lit dans sa chambre, où les murs tapissés de posters de bands rythmaient l’univers qu’il s’était créé. L’occasion de se remémorer de vieux souvenirs, voilà ce qu’offre Speedy Ortiz. Les mordus d’alternatif accueilleront l’offrande sans grande retenue.
D’entrée de jeu, «Pionner Spine» donne le ton. L’oreille accroche sur la bande aux allures rebelles formée par les guitares lourdes, la batterie nonchalante et la voix plaintive de la chanteuse. D’une négligence davantage apparente qu’authentique, on prête attention; l’album part du bon pied. Les guitares deviennent ensuite insistantes et, devant la menace qu’elles professent, l’air se chauffe tranquillement. La distorsion monte d’un cran encore. La batterie, incapable de se retenir plus longtemps, finit par perdre son sang froid. Du coup, la chanteuse se montre elle-même harcelante: «I want the truth / Even if I gotta rip it from you». Il est difficile de résister à cette attitude qui veut déranger. La horde instrumentale balaie tout sur son chemin dans une tempête sonore intelligemment maîtrisée. Au terme de ces premières minutes d’introduction, il n’a pas à dire, la séduction opère déjà.
Les deux pistes suivantes, «Tiger Tank» et «Hitch», sont respectables, mais dans un cas, on y reconnaît un manque de constance et, dans le second, probablement de consistance. «Casper» arrive en quatrième et c’est presque un soulagement. Légèrement dramatique, les riffs et le chant se rejoignent dans un effet d’escalier qui a quelque chose de troublant, mais qui plaît radicalement. Certains passages de la pièce rappellent même The Feelies sur l’album Crazy Rythms (1980).
L’un des moments forts de Major Arcana s’avère sans contredit la pièce suivante, «No Below», une composition plus calme a priori sur cette entité quelque peu mal-élevée. La batterie au ralenti se réveille dans une intensité graduelle, comme si au lendemain d’un concert trop arrosé, elle devait affronter un mal de bloc. Les guitares se décrispent de la même manière. Puis, elles bourdonnent et s’exposent jusqu’au délire, au point où l’on se retrouve complètement étourdi par la distorsion finale.
Après, on entend «Gary» au tempérament mélancolique et progressif. En termes de sonorités, il faut d’abord penser à la basse de «Good Morning Captain» de Slint, mais en lui excluant le côté tourmenté à l’excès. On lui accole plus loin les caisses d’un titre de Pavement ou encore de Weezer sur l’album bleu, ajoute une voix féminine éraillée en surface et le tour est joué: on se fait une bonne idée du morceau noise pop auquel on a affaire ici.
«Cash Cab» est ensuite un exemple parfait de rock accrocheur et outrageant. Aux côtés de «No Below», elle figure comme la pièce à découvrir sur Major Arcana. En bout de piste, on a finalement rendez-vous avec l’imposante «MKVI». Sa structure est certes répétitive, mais l’infernal brouhaha en fait également l’une des compositions les plus solides de Speedy Ortiz cette année.
En somme, ce premier album constitue un effort remarquable en 2013. Le groupe alterne judicieusement entre compositions modérées et abrasives. Certaines compositions apparaissent plus faibles, mais elles se diluent dans l’ensemble plutôt homogène. Si Speedy Ortiz ne devait entendre qu’une seule critique enfin, on lui mentionnerait de pencher vers un son moins propret et d’y aller plus généreusement avec la solution décapante la prochaine fois.
L'avis
de la rédaction