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C’est le violon, présent sur presque chaque piste du second opus du groupe Madame Moustache, qui ramène chaque chanson à sa racine country. Pourtant, le quintette, qui lancera son nouveau chef-d’œuvre le 28 août prochain, flirte davantage, dans ce projet, avec la pop, le rock, et même le blues. N’ayant toutefois pas laissé tomber sa marque de commerce, c’est tout en humour, en textes imagés, en harmonie et, bien sûr, en country, qu’il nous charme à nouveau avec Maison Mobile, quatre ans après Au nom du countr(i).
«L’amour, paraît que ça donne des ailes. Pourquoi j’ai rien que du plomb dans l’dos, calvaire?» Dès le premier morceau de Maison Mobile, impossible de s’y méprendre, c’est bel et bien la comédienne et musicienne Geneviève Néron qui est toujours la parolière principale de Madame Moustache. Son humour particulier et sa douce voix amorcent d’ailleurs de jolie façon ce second album, avec la chanson «Courtepointe», qui mélange de façon intéressante les guitares électriques, la batterie très rock et le doux violon country avec la voix très calme de la chanteuse. Vers la fin de cette chanson d’ouverture, on a droit à une belle montée d’émotions autant dans la voix qui appelle «Vas-y! Va-t’en! Pars!… Attends!» que dans l’union de tous les instruments. L’ambiance est ainsi fixée, Maison Mobile raconte surtout l’histoire d’amours déçus, de désillusions, de fuite ou plutôt d’un besoin d’exil.
C’est d’ailleurs sur le troisième titre, «Fuck Off n’ Die», presque parlé sur un fond de guitare électrique mélodieuse, qu’on comprend l’univers dans lequel ce second opus de Madame Moustache a été élaboré. Sur la route pendant quatre ans, la parolière s’est énormément inspirée de ses aventures à travers le Québec pour écrire des textes aussi touchants que comiques. Alors qu’elle chante «Je veux un ticket, un aller-simple pour un nowhere où c’qui a personne. Une île déserte, une quarantaine, une shot de scotch», toute la tension dramatique se révèle, en même temps que les instruments électriques amenant une touche juste assez rock et que la voix de Julie Ross, complice de Geneviève Néron et autre chanteuse du groupe. Il n’est pas surprenant de constater que Richard Desjardins a coécrit cette pièce, puisqu’il s’agit incontestablement de la plus poétique de l’album, avec des rimes imagées, malgré les paroles très crues, comme dans le refrain: «Fuck off n’ die m’a dit le gros motard en me tendant une Old Milwaukee Dry, fuck off n’ die». Avec des jeux de mots à la «c’t’un trou que j’cherche, un trou d’mémoire pour t’oublier» et des expressions loufoques mais sensées telles «on n’peut pas s’perdre quand on n’sait pas où on s’en va», cette troisième pièce de Maison Mobile représente bien les thèmes exploités dans la majorité des chansons, tout en se démarquant des autres.
Il faut également mentionner la pièce-titre de l’album, «Maison Mobile», sans doute la plus pop du lot, avec un refrain plus qu’accrocheur. Encore une fois, le désir d’évasion se fait ressentir avec un refrain éloquent : «la route est belle en cavale, cap sur le vide, le nord m’avale». La chanson «Grosse machine cassée» est un autre bel exemple de chanson entraînante, mais il faut dire que c’est indéniablement le country qui modèle ce second album de Madame Moustache. Sur «Denise», un vrai slow country langoureux relatant la fin de la carrière de «Denise» en tant que «waitress», le violon et la guitare s’harmonisent à merveille pour donner une ambiance de pur country. «Roméo et Joliette», aussi, est très country, malgré son rythme beaucoup plus rapide. Alors que l’un des membres masculins de Madame Moustache (Guillaume Duchesnau) se fait connaître en répondant à Julie Ross et Geneviève Néron «quand j’ai embarqué dans ta barouette, c’tait pas en direction de Joliette», le violon, lui, se fait aller, comme sur presque chaque chanson, afin de rappeler son statut privilégié au sein du groupe. Tout de même, il faut souligner la belle présence du piano sur la pièce «Grenoble», qui réussit à ajouter à l’ambiance de fête qu’est Maison Mobile.
Deux autres surprises de ce second opus sont les 9e et 10e pièces, respectivement «1934» et «Chéri». La première, adaptée d’un poème de Germaine Basque par Julie Ross et chantée par cette dernière en anglais, débute de façon intéressante avec une guitare hawaïenne et est pleine d’espoir, au contraire des autres chansons d’amour de l’album. Sur «Chéri», c’est plutôt le début de guitare très lente, presque blues, qui captive, en plus de présenter des jeux de mots savoureux, tel «tu me chavires chéri, tu me chavi-ravis».
Le maillon faible de cet album, c’est la reprise par le duo Néron-Ross de la chanson écrite par Serge Gainsbourg, «Laisse tomber les filles». Dans une version ralentie de la pièce popularisée par France Gall, les guitares électriques donnent un air intéressant à la mélodie, mais, trop lentes, enlèvent du punch à ce classique. On tombe tout de même pour l’humour dans les paroles de Maison Mobile, l’harmonie des voix de Néron et Ross, et les arrangements musicaux festifs mais bien construits.
Appréciation: ***½
Crédit photo: www.madamemoustache.com
Écrit par: Alice Côté Dupuis