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En 2010, Titus Andronicus avait livré l’album The Monitor, un des meilleurs disques rock des cinq dernières années. C’était un travail colossal: un album concept basé sur la Guerre de Sécession américaine reflétant un combat à la fois idéologique et personnel. Et l’ambition s’illustrait dans la musique également où s’entremêlaient solos de cornemuse, des hymnes à la révolte et des mélodies punk hardcore. Le groupe du New Jersey présente maintenant son troisième album, le beaucoup plus modéré Local Business.
Il était évident que Titus Andronicus allait simplifier les choses sur Local Business. Après tout, les sommets atteints sur l’album précédent sont pratiquement inatteignables, et tenter de reproduire cette magie aurait probablement été un échec. Par contre, il est à se demander ce qui s’est passé avec le côté musclé et cru du groupe. L’inspiration semble toujours être au rendez-vous à certains moments, mais le son, tant aux niveaux des guitares, de la batterie ou de la voix, a perdu un mordant bien nécessaire à la musique de Titus Andronicus.
Sans parler de désastre (l’album comporte de bonnes pièces tout de même), disons que la réalisation est plutôt timide et beaucoup trop polie pour un groupe punk comme Titus Andronicus. On a l’impression que le groupe se retient et que l’agressivité n’est plus au rendez-vous. Quelques chansons offrent quand même du punch comme «Upon Viewing Oregon’s Landscape with the Flood of Detritus» et l’excellente «My Eating Disorder», mais même les meilleures pièces auraient franchement eu besoin d’un remontant. C’est parfois à se demander s’il y a vraiment trois guitares tellement l’effet n’est guère impressionnant. Et le groupe flirte avec le ridicule sur la très courte (merci) «Food Fight», espèce de pastiche musical de «Personality Crisis» des New York Dolls, mais dénudé de la brillante décadence de ces derniers.
Évidemment, les compositions ne sont également pas vraiment à la hauteur des standards de Titus. Les dernières pièces de l’album sont particulièrement plus faibles, surtout l’ennuyante «(I Am The) Electric Man» et la finale, «Tried to Quit Smoking», laquelle ne réussit pas à conclure l’album sur une note aussi grandiose que «The Battle of Hampton Roads» sur l’album précédent. Bref, peu de chansons ressortent du lot et il n’est pas très tentant d’aller revisiter même les meilleures pièces du disque.
Là où les fans du groupe peuvent se rassurer, c’est que le talent d’auteur de Patrick Stickles est toujours bien intact. Peu de paroliers peuvent chanter avec à la fois humour et nihilisme la phrase suivante: «Okay, I think, by now, we’ve established that everything is inherently worthless / And there is nothing in the universe with any kind of objective purpose». Stickles est surement un des fatalistes ayant le plus d’aisance à rendre son auditeur joyeux et rempli d’espoir. Sur «In a Big City», il poursuit son cynisme: «It’s easy turning me on, I’m nearly a robot / I’ve been building bombs, bombs between beers and blowjobs». La lecture des textes de Stickles est donc fortement recommandée, la profondeur de sa plume étant très souvent illustrée à travers ses chansons.
Il est à souhaiter que Local Business ne soit qu’un léger faux pas dans la carrière de Titus Andronicus et que le groupe retrouve son coté plus incisif sur le prochain album. D’ici là, il y a toujours The Monitor pour se consoler.
Appréciation: ***
Crédit photo: www.titusandronicus.net
Écrit par: Mathieu St-Hilaire