«Limoilou» de Safia Nolin – Bible urbaine

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«Limoilou» de Safia Nolin

«Limoilou» de Safia Nolin

La fragilité de la vérité

Publié le 14 septembre 2015 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Bonsound

Safia Nolin s’est fait entendre un peu partout depuis le Festival de la chanson de Granby où elle a remporté le prix SOCAN de la chanson primée, en 2012. Duo avec Koriass sur l’album Rue des Saules de ce dernier; premières parties des sœurs Boulay, Pierre Lapointe, Philémon Cimon ou encore Groenland; à M pour Montréal, au Coup de cœur francophone, à POP Montréal et aussi aux FrancoFolies de Montréal. Tout le monde se l’arrache, et ils n’avaient tous qu’une question en tête: quand Safia Nolin fera-t-elle enfin paraître son premier disque pour immortaliser tout ce beau matériel et ce bel univers qu’on entend un peu partout sur scène? C’est Bonsound qui a remédié à la situation, en signant l’artiste qui a enfin fait paraître son premier opus, Limoilou, le 11 septembre dernier.

Alors qu’il est généralement de mise de découvrir les compositions d’un artiste sur disque et d’aller rechercher une plus-value en spectacle, Safia Nolin s’est fait connaître «à l’envers», se dévoilant déjà entièrement sur scène, et tardant à enregistrer le tout. Que reste-t-il donc de plus à offrir sur album, alors que l’artiste a déjà charmé les foules et les critiques en live? Alors que presque toutes ses chansons ont été entendues et que l’impression laissée sur scène était déjà forte?

Il faut avouer qu’on reste un tout petit peu sur notre faim, même si la musique de Safia Nolin se prête tout à fait bien à l’intimité de l’écoute d’un disque, l’auditeur seul avec son casque d’écoute. Sur Limoilou, l’électrification de quelques morceaux semble dénaturer quelque peu les ballades folk acoustiques sombres et mélancoliques, et il est étonnant de constater que ça a pour effet de créer une distance, presque comme un froid, à l’écoute.

C’est le cas pour «Technicolor», qu’on retrouve plus habillée sur disque qu’en spectacle, et où un jeu très subtil, il faut le dire, avec des sonorités électroniques est malgré tout comme de trop, rendant la voix plus distanciée, et rendue avec moins d’émotions. Les guitares électriques sont également un peu trop présentes sur «Valser à l’envers», diminuant l’émotion véhiculée par la voix de Nolin, mais la pièce se reprend à la toute fin, où une finale en piano-voix très sensible est poignante.

«Si seulement» est toutefois un exemple de chanson qui se prête bien à la guitare électrique au son un peu vieillot, chargé. Heureusement, plusieurs chansons auront été épargnées par l’électricité, et on retrouve la plupart du temps la chanteuse dans de simples ballades à la guitare acoustique et aux percussions tellement discrètes qu’on les remarque à peine.

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Ces moments sensibles et à fleur de peau, presque comme une mise à nu de la part de Safia Nolin, sont quant à eux poignants et nous virent à l’envers. C’est le cas dans «La laideur», avec sa voix pleine d’émotions qui nous berce malgré la tristesse du morceau. On retrouve aussi cela lors de la finale en retenue, comme la voix cassée, de «Ce matin», avant de reprendre les mêmes lignes avec assurance : frissons garantis. «Les marées», la bien connue «Igloo», qui a fait la renommée de Nolin et avec raison, et «Acide» sont toutes aussi sensibles et livrées avec l’authenticité qui fait le charme de l’artiste.

Parce qu’on aime ou pas la voix ou la simplicité des ballades, il est impossible de nier le charme de ses paroles bien ficelées, imagées et poétiques, sa voix sensible autant capable de se poser que de s’envoler doucement, et ses enrobages musicaux simples et discrets, pour laisser toute la place à sa fragilité. Safia Nolin et son équipe (Philippe Brault à la réalisation) ont bien su miser sur ses plus grands atouts.

Et même avec une voix un peu plus aérienne sur «Les marées», et même avec un enregistrement très intime, comme un spectacle privé, très interpellant, presque intimidant, en ouverture de l’opus avec «Les excuses», et même avec le bruit des doigts qui glissent sur les cordes rugueuses de la guitare acoustique sur «Aujourd’hui, demain», c’est toujours le même qualificatif qui s’applique, et ce pour l’ensemble de Limoilou: l’authenticité.

Une fichue de belle authenticité.

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