MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Tous droits réservés
Puissant et abouti, complexe mais accessible, Les Chemins de verre est véritablement mémorable, oscillant toujours entre l’ombre et la lumière. Il a d’ailleurs été sacré album canadien de l’année aux prix Polaris (on attend toujours le prochain gagnant francophone). Et c’est pleinement mérité!
Il s’agit, à n’en point douter, de l’un des meilleurs albums québécois de la dernière décennie.
Un chemin à défricher
Composée sur la route, lors d’un périple en sol français, cette quatrième offrande de la formation montréalaise était l’occasion de faire fracasser les coutumes. Habitués d’arriver ultra préparés en studio, les cinq membres de Karkwa ont, cette fois-ci, décidé de tout composer au gré des inspirations, de session en session, sans maquette et sans filet.
Profitant des temps morts entre les concerts, le quintette s’est offert une retraite fermée au studio La Frette, dans un manoir du 19e siècle, non loin de Paris. Des artistes comme Gainsbarre, Feist et Patrick Watson, pour ne nommer que ceux-là, y ont aussi séjourné jadis.
Le chemin vers ces nouvelles pièces, le groupe l’a tracé spontanément, au gré des expérimentations. Et ça s’entend de bout en bout! Porté par le talent de compositeur de François Lafontaine, qui signe 75% des morceaux, et la plume singulière de Louis-Jean Cormier, le groupe avait véritablement atteint son nirvana créatif.
Après l’Hexagone…
L’expérience en France a payé! Entre Radiohead et Sigur Rós, le groupe n’avait rien perdu de sa grâce. Il l’avait même bonifiée. Le rock progressif des débuts était encore là, ponctué cette fois de sublimes envolées lyriques.
De retour au Québec, Karkwa avait dans sa besace de nouvelles pièces étonnantes à nous proposer: tantôt dépouillées et introspectives (la superbe «Moi-léger»), tantôt intenses («Le Bon Sens»). C’est sur cet album qu’on retrouve les pièces les plus accrocheuses de Karkwa, comme «Marie tu pleures» et «L’acouphène», mais aussi les plus complexes, notamment avec «Au-dessus de la tête de Lilijune». Au niveau des thématiques, on vogue aussi entre deux eaux. On y évoque notamment la toxicomanie («Dors dans mon sang»), le deuil («28 jours»), la séduction («Le vrai bonheur») ou la sérénité («Moi-léger»).
Curieusement, malgré sa composition dépourvue de direction initiale, il s’agit de l’album le plus méthodique, le plus précis et le plus abouti de la formation.
«Julia Roberts aime Karkwa»
Je disais tout à l’heure que le son de Karkwa avait traversé les frontières. Ce n’était pas seulement une façon de parler. Le groupe a gagné plusieurs adeptes hors Canada, un peu comme Malajube à la même époque. La chanson d’ouverture des Chemins de verre, l’excellente «Le pyromane», s’est même rendue jusqu’aux oreilles d’une certaine Julia Roberts. Celle-ci a tellement apprécié le morceau qu’elle l’a inclus dans le film Jesus Henry Christ, dont elle était la productrice.
Et après son sacre aux Prix Polaris, on aurait pu penser que le groupe était parti pour une autre belle décennie musicale. Mais les membres de la formation ont plutôt choisi de partir sur des chemins différents. Et bien qu’ils se réunissent à l’occasion avec Patrick Watson pour des spectacles (Karkwatson), Les chemins de verre demeure à ce jour leur dernier album.
Seul le temps saura nous dire si nous pourrons nous gâter les oreilles avec un autre album de cette formation surdouée…