«Les albums sacrés»: Les Atomes de Martin Léon souffle ses 10 bougies – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: Les Atomes de Martin Léon souffle ses 10 bougies

«Les albums sacrés»: Les Atomes de Martin Léon souffle ses 10 bougies

Un long fleuve tranquille

Publié le 10 septembre 2020 par Édouard Guay

Crédit photo : Musique Celestone

Tout a commencé par un voyage et des souvenirs. Un périple en Asie, quelque part à Tokyo, qui allait donner beaucoup de belles histoires à raconter à Martin Léon. Après avoir fait le plein d’aventures, l’auteur-compositeur-interprète rentrait chez lui, la tête pleine d’idées, de thématiques, d’émotions et de groove. Martin Léon allait bientôt donner vie, en 2010, à son troisième album, Les Atomes. Assurément l’un des meilleurs albums québécois de la dernière décennie.

Inspiré par l’invisible, les particules et l’alchimie entre les êtres, Martin Léon nous invite ici dans un grand voyage auditif aux multiples textures sonores, pour nous raconter toutes sortes de choses. Des histoires d’atomes qui vivent, qui meurent, qui s’attirent ou se repoussent.

«Jusque-là, je pensais que la musique était le plus court chemin entre les êtres, alors que ce sont les atomes qui le sont, finalement. Les atomes, ce sont de toutes petites boules avec du vide, mais mises ensemble, ça donne des bras, des jambes, un piano…», décrivait l’artiste à La Presse lors de la sortie de l’album.

Ode à la lenteur 

Enregistré dans le studio de Léon, à coups de 15 heures par jour, Les Atomes a été conçu en à peine quatre mois, et pourtant, les idées qui composent l’album ont germé bien longtemps, au fil de ses voyages.   

Rien de surprenant dans le cas de Martin Léon, qui nous a toujours habitués à prendre son temps (pensons aux cinq ans qui séparent Kiki BBQ et Le facteur vent, ses deux albums précédents).

Et cette patience, c’est sans doute ce qui donne aux onze titres des Atomes toute cette sensibilité, cette subtilité, ce mélange homogène d’humour, de sensualité, de doutes et de mélancolie. Il suffit de penser au groove irrésistible du «Shack à Chuck» (une fable décalée et surréaliste), ou encore le puissant envoûtement amoureux de «Prends-moi tel quel» et «Va savoir pourquoi».

Prendre le temps de bien saisir la nature des choses est d’ailleurs légion chez Martin Léon, et c’est sans doute ce qui lui permet de nager à contre-courant (à la manière des trois carpes koï figurant sur la magnifique pochette, signée Jean Lambert).

C’est sans doute ce qui explique pourquoi on a l’impression que le temps s’arrête lorsqu’on prend le temps de plonger dans Les Atomes.

Léon décrivait ainsi son rapport avec la lenteur au journal Le Devoir en 2010: «Si t’es pressé dans la vie, tu vas passer à côté de cet album-là, du voyage qu’il y a dedans. Et probablement à côté de tout mon travail. C’est dommage, des fois, d’être pressé. Dire qu’on a failli passer à côté de Richard Desjardins. Qu’on a failli passer à côté de Gaston Miron. On était où? Devant nos télés?»

Comme dans un poème  

Justement, parlant de Miron, on sent parfois l’influence de ce grand poète sur les textes de l’album, empreints d’une magnifique poésie. Sans doute inspiré par sa participation au projet des Douze hommes rapaillés (un hommage à Miron), Martin Léon repousse à son paroxysme sa propension à jouer avec le langage et les sonorités comme de la plasticine. Les mots sont ici si vrais, si forts, si puissants…

Le morceau «Un lac» en est un bon exemple: «Un lac / Sous les étoiles / Un grand hamac / Et sur un poêle / Un peu de pain / Ça sent l’essence / Dedans la brise.» On a l’impression d’y être, nous aussi, dans son voyage, près du lac. Et les arrangements, plein de chaleur et de tristesse à la fois, nous donnent l’impression d’être un spectateur privilégié d’un voyage plus grand que nature

Comme dans un film  

L’univers proposé sur Les Atomes semble également tout droit tiré d’un film lent et contemplatif. Quand on connaît Martin Léon, ça ne nous surprend guère, puisque l’artiste est spécialisé en musique de film (il a notamment signé la bande sonore de Monsieur LazharGuibord s’en va-t-en guerre et The Good Lie du cinéaste Philippe Falardeau).

On ressent cette inspiration pour le septième art d’un bout à l’autre des Atomes, notamment sur «Les Deux Hérons», qui pourrait fort bien jouer lors du générique de fin d’un film un peu mélancolique.

D’ailleurs, Martin Léon s’est concentré sur la musique de film après la sortie des Atomes et n’a pas proposé un autre album studio depuis. C’est long, dix ans, sans album de Martin Léon. Mais espérons que cette attente saura l’inspirer pour nous offrir un autre grand opus inspiré de son univers.

D’ici-là, on peut continuer de se réchauffer les atomes en (re)découvrant cette œuvre si puissante et subtile, remplie de couches sonores qui demandent une attention particulière.

Merci pour le beau voyage, Martin.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» en septembre 2020.  Consultez toutes nos chroniques précédentes en cliquant ici.

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