MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Remko Hoving
C’est en 1979, alors que tout le monde dansait le disco, que Joy Division allait lancer Unknown Pleasures, son premier album. Une vraie claque, qui allait donner au cold wave toutes ses lettres de noblesse, et inspirer on ne sait combien de créateurs.
40 ans plus tard, que reste-t-il de cet incroyable album, devenu l’emblème de bien des crises d’adolescence? Au-delà de sa célèbre pochette, imprimée sur un nombre incalculable de t-shirts, il y a des pièces mémorables, à ranger au panthéon de la musique.
Quand le punk se marie avec le gothique
Issu de la seconde vague du post-punk, inspiré par des groupes comme Siouxsie and the Banshees et Can, Joy Division avait trouvé un son parfait pour son époque. Un post-punk empreint de mélancolie, qui allait jeter les bases du cold wave.
Après trois ans à rouler leur bosse un peu partout à Manchester, les quatre comparses entraient en studio pour une semaine afin d’enregistrer Unknown Pleasures. Remplis d’une énergie brute, rebelle, un brin insouciante, ces jeunes passionnés ont mis en commun un formidable amalgame d’émotions.
De plus, le producteur Martin Hannett a su à merveille canaliser cette force créatrice. Il est, en quelque sorte, devenu le cinquième membre de Joy Division.
Baisser le volume pour mieux entendre la musique
À leurs débuts, le guitariste Bernard Sumner, le bassiste Peter Hook et le batteur Stephen Morris aimaient bien jouer fort. Mais dès les premières séances d’enregistrement d’Unknown Pleasures, Hannett a coupé court aux sonorités pesantes, au grand dam de certains membres du groupe.
Mais c’est probablement grâce à cette approche que «Disorder», la pièce d’ouverture, nous happe d’entrée de jeu avec une basse si dominante. Les paroles et la voix de Curtis prennent davantage le dessus et, surtout, on peut apprécier des tonnes de textures sonores.
D’ailleurs, la pochette «ondulée» représente à merveille cette sonorité riche et variée, oscillant entre des tempos très rapides et punk, et des mélodies beaucoup plus lancinantes.
Entendre les émotions
Ce qui fait de ce Unknown Pleasures un album si remarquable pour son époque, c’est notamment tous ces effets de réverbération, d’échos, de bris de verre, de portes qui claquent ou de voix enregistrées sur une boîte vocale.
On joue autant sur le fond que sur la forme, pour créer des effets évocateurs et inoubliables. Sur «She’s Lost Control», on amplifie l’écho de la voix de Curtis, pour créer un climat d’insécurité qui transcende l’ensemble de l’album. La pièce, évoquant une crise d’épilepsie, propose une mélodie disco glaciale, ponctuée d’une basse minimaliste et des riffs de guitare plus omniprésents, signés Bernard Sumner.
Et que dire de la caverneuse «Shadowplay», où des sonorités de rock d’aréna côtoient des ambiances évoquant la souffrance? Voilà une dualité qui donne à Unknown Pleasures toute sa puissance.
Ça évoque la peur, la violence, la noirceur et l’insécurité. La mélancolie et la maladie de Ian Curtis y jouent probablement pour beaucoup. L’album sera d’ailleurs le seul qui sortira de son vivant.
Tout simplement intemporel!
Malgré son énorme influence, l’album Unknown Pleasures n’a généré aucun single et n’a jamais atteint le sommet des palmarès. Et pourtant, son empreinte musicale demeurera indélébile.
À l’image de Joy Division, et particulièrement de Ian Curtis, qui s’est enlevé la vie à 23 ans, ce premier album aura été éphémère, et pourtant éternel.
Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» au cours du mois d’août! En attendant, consultez nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.