MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : www.ramones.com
Qu’on se le tienne pour dit: Joey, Johnny, Dee Dee et Tommy Ramone ont changé la façon de jouer du rock n’ roll en 1976. Ils sont fréquemment définis, et à juste titre, comme le groupe ayant façonné le son punk pour les décennies à venir. Bien entendu, la même année, des groupes anglais seront influencés par le côté «bombastique» de leur musique et prendront les armes pour déclarer la guerre à l’establishment britannique. Loin de sentir l’urgence de brandir le drapeau de la contestation sociale, les Ramones ne s’en tiennent qu’à une seule révolution, mais la plus importante qui soit: musicale.
Pour arriver à leurs fins, le quatuor prend bien soin de garder les éléments qu’ils trouvent le fun à travers la musique des générations précédentes. Vieux rock n’ roll par ci. Girl groups par là. Et même le surf pop des Beach Boys. Ajoutez à tout ça trois ou quatre accords joués à une vitesse démesurée (le groupe a même du ralentir son tempo habituel en studio) et vous avez la succulente recette des Ramones. On parle d’une simplicité volontairement calculée et peaufinée de brillante façon.
Le groupe frappe à la vitesse de l’éclair avec «Blitzkrieg Bop», première chanson et single absolument mémorable qui n’a rien perdu de son charme quarante ans plus tard. «The kids are losing their minds / The Blitzkrieg Bop», chante le défunt Joey Ramone, faisant référence à la façon de danser des jeunes allant aux spectacles des Ramones. «Beat On the Brat», à propos d’une mère qui veut frapper son garçon turbulent avec un bâton de baseball, s’enchaîne naturellement. Même chose pour «Judy Is A Punk». Les textes ridiculement courts sont d’une juvénilité totalement assumée, épousant à merveille la fondation pop bonbon de leur musique.
Et au fond, les Ramones sont des cœurs tendres. «I Wanna Be Your Boyfriend» est une irrésistible ballade sentimentale dont le thème est exactement ce qu’indique le titre. On est loin du nihilisme et de la désillusion de «I Wanna Be Your Dog» des Stooges, groupe ayant assurément influencé les Ramones. Tous les aspects sombres abordés par le quatuor sont traités de manière humoristique et caricaturale, même les références nazies (de nombreuses formations punks feront une fixation sur le troisième Reich). Seule la pièce «53rd & 3rd», écrite par Dee Dee, semble évoquée une situation plus sérieuse, soit le coin de rue où il se droguait et se prostituait plus jeune: «Then I took my razorblade / Then I did what God forbade / Now the cops are after me / But I proved that I’m no sissy».
Les Ramones n’ont pas besoin d’étirer la sauce, l’album contenant 14 chansons pour à peine 29 minutes. Leur souci d’économie sera encore plus légendaire en spectacle, alors que le groupe enchaîne les morceaux sans crier gare, avec un simple «1-2-3-4!» séparant les chansons. Est-ce que le punk débute avec eux? Question impossible à répondre et un peu futile. Il faut savoir que Legs McNeill et John Holmstrom ont déjà immortalisé le terme «punk» en 1975 dans un magazine musical s’intéressant à la scène marginale New Yorkaise, de Lou Reed aux New York Dolls. Par contre, les Ramones représentent probablement l’esprit du do-it-yourself mieux que n’importe quel autre groupe punk.
Le groupe fera une tournée en Angleterre quelques mois seulement après la sortie de leur premier album. Ils épateront un peu tout le monde, incluant les Sex Pistols et les Clash, et influenceront sans doute de nombreux groupes du Royaume-Uni, où le punk deviendra très rapidement un phénomène national. Les Ramones continueront de sortir des albums à un rythme aussi effréné que leur musique, contribuant par le fait même à modifier le paysage culturel général des quarante dernières années. Incroyable comment 29 petites minutes peuvent changer le cours de l’histoire. Et pour le meilleur.