«L’épopée musicale de…» Les Colocs, une œuvre inachevée – Bible urbaine

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«L’épopée musicale de…» Les Colocs, une œuvre inachevée

«L’épopée musicale de…» Les Colocs, une œuvre inachevée

Dédé Fortin et ses acolytes, de l’imparfait au plus-que-parfait (ou presque)

Publié le 11 novembre 2022 par Jean-Benoit Perras Nolet

Crédit photo : Tous droits réservés @ Page Facebook de Les Colocs

Le 17 novembre 2022 aurait marqué le soixantième anniversaire de Dédé Fortin, l'un des artistes les plus importants que nous ayons connus. Avec son groupe Les Colocs, il a su redonner ses lettres de noblesse à la musique québécoise et influencer toute une génération de musiciens et musiciennes. Malheureusement, il nous a quitté le 8 mai 2000 dans des circonstances tragiques, laissant derrière lui une œuvre inoubliable, mais inachevée. Profitons de cette occasion pour replonger dans la (trop) courte discographie de ce groupe phare.

4. Suite 2116 (2001)

Suite 2116 fait officiellement partie de la discographie des Colocs, mais son inclusion demeure discutable. Sorti l’année suivant le décès de Dédé Fortin, le projet se veut un hommage à la mémoire de ce dernier alors que les membres du groupe ont voulu partager avec le public leurs derniers enregistrements.

Le problème, c’est qu’il ne restait plus beaucoup de matériel dans les voûtes. Ici, on gratte donc les fonds de tiroir pour réussir à sortir quelque chose qui pourrait se comparer à un album. 

On y retrouve une version de «Pis si ô moins», enregistrée en concert, «Rythmes siko», une pièce composée uniquement de percussions, ainsi que «Le Parti Robin des Bois», un collage basé sur des interventions de Dédé lors des spectacles des Colocs.

«Wéétoo» et «Naala Yééssi», toutes deux chantées en wolof, sont les deux pièces les plus achevées du lot, alors que «Du temps pour essayer», avec des paroles du bassiste Andre Vanderbiest et une interprétation du guitariste Mike Sawatzky en hommage à Dédé, est remplie de belles intentions, mais elle n’offre rien de mémorable malheureusement. 

Le seul véritable moment fort sur cet opus est l’excellente adaptation du poème «Paysage» de Charles Baudelaire, également enregistrée en concert. Vous pouvez facilement vous limiter à cette dernière et sauter le reste!

«La Comète», sortie en 2009, s’est avérée un chant du cygne beaucoup plus approprié pour Dédé.

3. Atrocetomique (1995)

Beaucoup de gens pensent que Atrocetomique est un album studio accompagné d’un album live. Cependant, les deux disques qui le composent ont été enregistrés devant public. Le second est présenté comme tel avec les chansons de leur premier opus et quelques reprises (dont la très réussie «Le pouding à l’arsenic»). Le premier présente, quant à lui, de nouvelles compositions et, grâce à quelques ajustements en studio, combinés à une atténuation des bruits de foule, on a presque l’impression d’avoir droit à un effort en studio!

La raison derrière ce choix n’est pas vraiment artistique, mais plutôt pécuniaire, comme le groupe souhaitait se débarrasser des obligations de leur contrat de disque.

Ça n’en fait pas une œuvre bâclée pour autant, mais ça reste une production beaucoup moins polie que Les Colocs avant ou Dehors Novembre, qui allait lui faire suite. On a aussi parfois l’impression que certains titres auraient gagné à être travaillés davantage.

Ainsi, c’est un effort quelque peu inégal. Certains morceaux frappent fort, comme «La Chanson du Scorpion», «On va crever en attendant l’été (ou l’hiver)», ou encore le classique «Bon Yeu» mais, à l’autre bout du spectre, «J’ai pas compris» ou «Prends tes bagages» ne sont pas les meilleures compositions de Dédé, et les compositions des autres membres du groupe ne sont pas des moments forts non plus (un problème récurrent à travers l’œuvre des Colocs).

Atrocetomique vaut tout de même le détour et reste une part importante de leur (trop) courte histoire. 

2. Les Colocs (1993)

Les Colocs a eu l’effet d’une bombe sur le paysage musical québécois lors de sa sortie! Avec Les insomniaques s’amusent de Daniel Bélanger et L’Amour est sans pitié de Jean Leloup, on peut dire qu’il a donné un nouveau souffle à la musique d’ici.

Sans ces trois disques, sortis au début des années 1990, il est difficile d’imaginer à quoi ressemblerait la musique de notre belle province depuis trente ans…

Ce premier opus mettait déjà de l’avant les deux plus grandes forces des Colocs, soit les textes de Dédé Fortin et la facilité du groupe à intégrer les différentes influences musicales de ses membres. Si leur palette musicale s’est élargie avec les années, on retrouve déjà sur ce premier effort des influences blues, folk, gipsy, swing, chanson française… Dédé rappe sur «Passe-moé la puck» et «Juste une p’tite nuite» fait montre d’une ambiance très «klezmeresque». 

Dédé a sans doute signé l’un de ses meilleurs textes avec cette dernière, et l’une des plus touchantes chansons de rupture jamais écrites. Elle détonne un peu sur un album qui présente une trame musicale assez joyeuse (malgré le fait que les textes ne le sont pas toujours).

Si les paroles de Dédé ne deviennent jamais aussi sombres qu’elles le seront sur Dehors Novembre,  certaines compositions, notamment «Dédé» et «Passe-moé la puck», traitent de sujets sociaux pour le moins sérieux.

«La rue principale» et «Julie» ont été des succès marquants qui se sont incrustés sur les ondes radiophoniques pour ne plus les quitter et elles font maintenant partie de notre patrimoine.

C’est un album que tout amateur de musique québécoise devrait avoir dans sa collection.

1.  Dehors Novembre (1998)

Si Les Colocs ont connu un succès phénoménal, il ne faut pas se leurrer, le chef-d’œuvre du groupe est sans contredit Dehors Novembre. Un album beaucoup plus sombre que ce à quoi la formation nous avait habitués jusqu’ici

Il peut être difficile de revisiter cet opus mythique, car on peut difficilement ne pas le mettre en parallèle avec le décès de Dédé Fortin survenu deux ans plus tard.

Les paroles sont en effet très lourdes. La chanson-titre et «Le répondeur» sont probablement les plus difficiles à écouter, puisque la musique est aussi triste que les propos (et les autres morceaux le sont tout autant!) 

Dès leur premier effort, l’une des principales forces des Colocs a été de juxtaposer des textes profonds sur une musique festive. Dehors Novembre a été en quelque sort leur apogée dans un sens. Quiconque ne s’arrête pas aux paroles de «Tout seul» ou de «Tellement longtemps» ne peut se douter de la détresse qui s’y trouve.

Et même lorsqu’on s’arrête aux paroles, elles sont souvent trop entraînantes pour qu’on s’y attarde.

Combien de gens, même de jeunes enfants, ont chanté avec le sourire «Y avait d’la coke din yeux / Y avait d’l’héro dans l’sang / Y avait toute son corps qui penchait par en avant / Y avait le goût d’vomir / Y avait envie d’mourir / Qu’est-ce qu’on fait dans c’temps-là / Moi j’avais l’goût d’m’enfuir»?

Cet album est un véritable tour de force, sans contredit l’un des meilleurs jamais produit au Québec. Au-delà des textes, c’est également l’œuvre la plus accomplie des Colocs sur le plan musical, avec des sonorités encore plus diversifiées que sur leurs opus précédents.

L’unique point faible, comme je l’ai mentionné pour les autres efforts du groupe, c’est quand Dédé Fortin laisse la place à ses acolytes. Les chansons de Mike Sawatzky et d’André Vanderbiest ne sont pas mauvaises, mais elles dissonent aux côtés de celles du chanteur, qui est ici à son zénith en tant qu’auteur-compositeur-interprète.

Si vous souhaitez vous replonger dans l’œuvre des Colocs parce que l’écoute de leur discographie ne vous a pas encore rassasié, vous pouvez vous tourner vers le livre Autour de Dédé Fortin de Jean Barbe ou vers le film Dédé, à travers les brumes de Jean-Philippe Duval. Aussi, la pièce de théâtre Dehors Novembre, traitant de la création de l’album homonyme, est actuellement présentée partout dans la province.

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