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Crédit photo : Columbia
D’abord, pour une «starlette» de la pop, Beyoncé Knowles possède une imagination débordante. En effet, l’album est accompagné d’un film de soixante minutes, qui a été diffusé sur HBO, où les pièces du disque sont accompagnées d’images adressant de multiples thèmes comme la parentalité, les inégalités sociales et l’infidélité. Beyoncé désire clairement faire un statement. Heureusement, le tout n’a rien de forcé: elle le fait naturellement, car elle est rendue à ce niveau de réflexion dans sa réalité de tous les jours.
Revenons à l’infidélité, car l’album plonge en profondeur dans l’esprit d’une femme dont le mari commet fréquemment l’adultère. Évidemment, on songe à Jay-Z. Sauf que Lemonade est un album qui permet à Beyoncé de sortir complètement de l’ombre que pouvait lui créer parfois son mari. Oui, il est grandement question d’infidélité, mais ce qui ressort de Lemonade est surtout l’incomparable force d’une femme, de par sa sensibilité, sa détermination et sa solidarité. L’explication derrière le titre? Une citation de la grand-mère de Jay-Z , Hattie White: «I had my ups and downs, but I always found the inner strenght to pull myself up. I was served lemons, but I made lemonade». Voilà donc qui décrit merveilleusement bien l’esprit de l’œuvre: la force intérieure et la résistance d’une femme noire aux États-Unis.
Musicalement, Beyoncé sait très bien s’entourer avec une myriade d’invités de styles complètement variés: James Blake, The Weeknd, Kendrick Lamar, Father John Misty, Andre Benjamin (OutKast) et Ezra Koening (Vampire Weekend). Un trait remarquable de Beyoncé est qu’elle est capable d’englober l’intime et le collectif. «Pray You Catch Me», «Sandcastles» et «Forward» (avec James Blake) sont de superbes ballades touchantes et vulnérables. À l’opposé, «Hold Up», avec sa touche très Vampire Weekend, est une chanson reggae-pop hyper-efficace et accrocheuse avec son refrain «They don’t love you like I love you», clin d’œil à la chanson «Maps» des Yeah Yeah Yeahs.
Qui dit force dit souvent colère et insurgence. Ainsi, Beyoncé interprète «Don’t Hurt Yourself», avec Jack White, avec une véhémence que l’on ne lui connaissait pas. La pièce échantillone même la colossale «When the Levee Breaks» de Led Zeppelin! Ailleurs, «Freedom», avec Kendrick Lamar, poursuit alors que le duo crache leur fiel sur l’institutionnalisation du racisme, un peu à la manière de Kendrick sur l’album To Pimp a Butterfly, le disque le plus indispensable de 2015. Lemonade se conclut avec la formidable «Formation», véritable cri de ralliement dédié aux mères de Trayvon Martin et Sandra Bland, deux jeunes afro-américains dont la mort jugée injuste a créé beaucoup de controverse aux États-Unis.
Alors Lemonade, de par son ambition et son aplomb, nous réconcilie instantanément à la pop music. Beyoncé poursuit sa lancée en s’affirmant comme une artiste incontournable dans le canon de la musique pop d’aujourd’hui. Que les nostalgiques cèdent la place, car Beyoncé a les deux pieds bien ancrés en 2016.
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de la rédaction