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Crédit photo : Angelica Bye Bye
S’il surprend dès la pièce d’ouverture, «La tanière», avec une voix aiguë, presque incertaine, comme si le registre était un peu haut malgré l’emploi de la voix de tête, Le couloir des ouragans charme rapidement malgré tout, avec ses jolies mélodies majoritairement aux claviers ou au piano, et la sincérité de l’interprétation d’Audet. Apaisante, la première chanson donne tout de suite le ton à cette musique influencée par le folk intimiste de l’artiste. On retrouvera d’ailleurs cette délicatesse sur «Je ne sais plus rien (dans tes bras)», un morceau signé Émilie Proulx, sur lequel l’interprète susurre presque son amour à un «toi» lointain sur fond d’accords de piano plaqués, de banjolélé et de doux chœurs.
Mais le plus sublime, dans toute sa simplicité et son authenticité, demeure «Parle encore», une chanson écrite par Martine Coupal que le duo Viviane Audet et Baptiste a décidé de mettre simplement sur une mélodie au piano d’abord variée et vivante, qui devient plus grave et plus régulière au fur et à mesure que dégringole le récit. «Parle encore de mes erreurs / Parle encore, sauve ton honneur / Parle encore, si t’as du cœur», une descente qui sera interrompue par une brève remontée dans les aigus du piano, le temps d’un dernier souffle de vie, mènera à «Parle encore pendant que je pleure / Parle encore, pendant que je meurs», des mots d’une force telle qu’il suffit à Audet de les murmurer pour frapper l’auditeur de plein fouet.
Heureusement, Le couloir des ouragans comporte aussi quelques pièces un peu plus lumineuses, telle qu’«En hauteur», le premier extrait radio de l’album, mais aussi le texte le plus honnête signé par Audet elle-même. «Je ne connais pas le nom de toutes les fleurs / J’ai un mauvais cardio / J’ai peur de l’ascenseur», avoue-t-elle pendant que son réalisateur et complice, Philippe Brault, l’accompagne à la guitare et au banjolélé sur ce qui est l’une des pièces les plus pop de l’opus. «Septante», avec son banjo et son rythme évoquant la podorythmie, est également l’une des plus entraînantes, comprenant une mélodie joyeuse malgré les notes tenues à l’orgue qui lui confèrent une ambiance plutôt dramatique.
La chanson la plus pop et, presque inévitablement, la plus dynamique du disque est sans contredit «Avant toi». Baptiste y signe un sublime texte où il joue avec les mots et les sonorités, par exemple «Je savais pas que l’Occident était aussi désorienté», pour lister une série de choses que Viviane Audet ne savait pas «Avant toi». Ce morceau ravit lorsque la batterie et les claviers entrent en scène après le rythme très régulier du départ où une unique note est répétée sur le piano au même tempo saccadé de la voix de l’interprète. C’est à ce moment que la musicalité des mots de Baptiste prend tout son sens et qu’Audet peut se permettre d’interpréter le texte plus librement.
Il faut d’ailleurs l’avouer, les deux chansons offertes par Baptiste à Viviane Audet figurent sans contredit parmi les plus réussies, ne serait-ce que pour les belles histoires aux textes complexes tels que «Rien ne se perd, tu dis tout se transforme / Et changer la constante n’affecte pas la donne / Mais si rien ne se perd, comment m’as-tu perdue? / Et si tout se transforme, que sommes-nous devenus?». La musicalité de ces chansons met également bien en valeur les mots avec lesquels on a joués. Passant de «Je comptais sur toi et tu comptais pour moi / Mais la chimie n’est pas une science comptable» à «Tu ne peux pas me couper, je ne suis pas coupable», la chanson «Le nombre» est une source inépuisable de petits bijoux, livrés sincèrement par Audet, accompagnée d’une belle touche de cuivres du tromboniste Benoit Rocheleau.
Seule ombre dans le ciel du Couloir des ouragans, est cette courte pièce offerte à la chanteuse par la poétesse acadienne Georgette LeBlanc, qui présente une Viviane Audet douce et authentique, seule, s’accompagnant à l’auto-harpe. Malgré sa beauté, elle détonne de l’homogénéité de l’album, notamment au niveau du vocabulaire employé et des mots empruntés à l’anglais, comme «La trip» ou «So j’fume», qui étonnent. Côté sobriété et pièce enregistrée en direct, sans ajout d’instruments ultérieurement, on lui préfèrera «Après la pluie, la pluie», un duo avec son mari, Robin-Joël Cool, dont la voix grave s’harmonise à merveille avec celle aiguë d’Audet. Co-écrite en couple, la chanson témoigne d’une belle complicité entre les deux artistes, malgré le sujet de la chanson qui donne vie avec une certaine sérénité à un couple qui a de la difficulté à se rejoindre.
Plutôt raconté, du moins plus rythmé que lyrique, l’album Le couloir des ouragans présente une Viviane Audet en contrôle de ses moyens, capable de vivre et de faire vivre de belles histoires à la poésie charmante malgré une certaine retenue dans la voix, ce qui sert bien les textes, le plus souvent. La musique, charmante mais sobre malgré sa diversité d’instruments, saura à coup sûr captiver les aimants de chanson pop-folk simple, mais efficace. Il ne faut pas chercher les grandes envolées musicales ou vocales, mais plutôt se laisser envoûter par les interprétations contenues et le côté apaisant du calme retrouvé dans Le couloir des ouragans.
Le couloir des ouragans, le second opus de Viviane Audet, est paru sous l’étiquette Angelica Bye Bye le 11 février 2014. Pour davantage d’information ou pour les dates de spectacles, consultez le www.vivianeaudet.com.
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de la rédaction