«Junk» de M83 – Bible urbaine

MusiqueCritiques d'albums

«Junk» de M83

«Junk» de M83

Jingle Blues

Publié le 17 avril 2016 par Édouard Guay

Crédit photo : Mute et www.facebook.com/m83

Totalement dépouillé de toute pression musicale de l’extérieur, le Français Anthony Gonzalez a toujours été un électron libre dans le paysage musical actuel. Son groupe M83, dont il est le seul membre permanent, est son terrain de jeu, un grand laboratoire d'ambitions où il expérimente pour le meilleur et pour le pire. Après le succès monstre de son sixième album Hurry Up, We’re Dreaming, paru il y a cinq ans, Gonzalez a dû prendre du recul pour éviter l’aveuglement que peut causer le succès.

Après une longue transition, où il a composé, avec peu de succès, la bande sonore du film Oblivion, le musicien pluridisciplinaire revient avec Junk. Il nous présente une version revampée de M83: le personnel n’est plus le même, et l’identité musicale non plus. Le groupe était souvent catégorisé comme un savant mélange de shoegaze, de pop-synthé et d’électronique, or il serait bien hasardeux de pouvoir catégoriser Junk précisément, tant la proposition est éclectique. Perdu dans l’espace, Gonzalez est ici le maître d’œuvre d’un joyeux bordel maîtrisé mais inégal.

Le premier extrait «Do It, Try It» laissait présager un album psychédélique à la MGMT, mais ce morceau d’ouverture n’est aucunement représentatif de ce qui nous attend: planant, aérien, un brin acide, l’album se veut un pastiche des années 80 avec ses ritournelles de vieux jingles télé. Gonzalez a d’ailleurs mentionné que plusieurs thèmes de sitcom de son enfance l’avaient inspiré dans la composition. Dans les meilleurs moments, on croirait entendre The Alan Parsons Project, mais il est difficile de ne pas sombrer dans la caricature quand on a aussi clairement emprunté à des génériques d’autrefois. On le ressent dans des pièces comme «Tension», «The Wizard» ou «Moon Crystal». 

Critique-album-review-Junk-M83

Dans la même veine, Gonzalez nous propose aussi des moments plus mélancoliques – et parfois soporifiques – avec «For the Kids» ou «Sunday Night 1987». En revanche, la brillante orchestration à la James Bond de «Solitude» propulse l’album vers le haut. «Atlantique Sud», qui rappelle une comédie musicale de Broadway, est un moment intéressant, mais détonne tellement du reste de l’album qu’elle finit par agacer.

Heureusement, plusieurs invités viennent donner un peu de consistance à l’album. La vocaliste Mai Lan, présente sur plusieurs morceaux, vient insuffler du groove et de l’énergie contagieuse à plusieurs moments. Elle fait taper du pied et dodeliner la tête: «Bibi the Dog» est un délirant voyage cosmique, avec ses voix en distorsion et son instrumentalisation bien sentie. Le légendaire guitariste Steve Vai se marie bien à elle dans «Go», dommage que son solo soit si court. Même Beck vient faire son tour, bien qu’il soit un peu anonyme.

Si l’ensemble demeure inégal et disparate, Gonzalez ne manque pas de nous offrir des pièces plus dansantes entre deux balades d’autrefois: l’excellente «Road Blaster» pourrait facilement passer pour le digne successeur de «Midnight City» et «Walkway Blues» est un savoureux moment de funk, gracieuseté du jeune guitariste Jordan Lawlor. Bref, plusieurs moments pourraient passer à la radio, mais s’inscrivent dans un ensemble un peu fourre-tout.

Gonzalez s’est clairement fait plaisir, en s’inspirant de ce qu’il aimait, sans se soucier du reste: il y en a pour tous les goûts sur l’album, tantôt on est dans Phantom of the Opera, tantôt sur une piste de danse disco. On s’amuse souvent, mais il aurait été intéressant de garder une certaine constance.

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Critiques d'albums Weezer-White-Album

«Weezer (White Album)» de Weezer

Vos commentaires

Revenir au début