Musique
Crédit photo : Geneviève Jetté
La musique d’ici s’écoute comme une conversation avec une vieille connaissance: on a entendu cette voix raconter ses épopées, mais on garde nos distances envers elle. «C’est l’étrange route des amoureux», lance Pierre Lapointe. Un paradigme flagrant de ce rapport: les stations radiophoniques se mandatent d’assouvir des quotas quotidiens de chansons francophones.
Je ne me prononce pas contre les radios ici, bien au contraire. Je tente de démystifier ce relâchement culturel québécois, cette indifférence face aux musiciens émergents. Par groupes émergents, il ne s’agit pas de ceux qui me faisaient gazouiller sur mon balcon l’été dernier.
Mais qui sont-ils, ces artistes émergents?
Allez voir sur le site des maisons de disques indépendantes québécoises. Entrez dans Google: compagnie de musique québécoise OU maison de disques indépendante québécoise (vous ne pourrez dire que je ne vous ai pas aidé dans vos recherches). J’ai espoir, malgré cela, que la population accordera plus d’importance à l’artiste et à sa chanson, en allant simplement écouter ce qu’ils ont dans le ventre.
Cris du cœur
Je ne suis pas seulement une amatrice de musique francophone et je n’encourage pas seulement ces nouveaux «coureurs» pour leur talent.
Je suis amoureuse de la langue française.
Je chéris nos expressions et les diverses formes que notre langage peut prendre. À quoi ressembleraient nos phrases sans un petit tsé genre ou un sacre du type «torieux d’ciboire!» poussé violemment par nos vieux?
Comment les chansons de Bernard Adamus ou de Lisa LeBlanc nous séduiraient sans leurs cris du cœur à la québécoise? Qui ne publie pas la chanson «Calvaire» de La Chicane sur le mur Facebook d’un(e) de ses ami(e)s en fin de session atroce?
C’est ça, la chanson francophone: un cri du cœur. La langue française est précise et décrit un sentiment avec une irréprochable justesse.
Elle permet de s’épouser aux émotions des compositeurs pour mieux faire fondre le cœur du public. Quand il n’y a pas de meilleur remède à nos maux, ce sont les mots qui cicatrisent les plaies. Et ces paroles touchent non seulement le cœur, mais la tête, raisonnent et résonnent encore plus fort en concert.
«Embarque ma belle, j’t’amène n’importe où»
(Vous venez de a) chanter mon sous-titre b) chanter la phrase d’après c) faire les deux) Maintenir une belle relation avec la chanson francophone québécoise, ce n’est pas que d’encourager la relève, c’est aussi montrer notre support. Aller aux concerts de ces artistes et chanter leurs œuvres est une merveilleuse contribution pour de nombreuses raisons. On aime ça lorsqu’un des Rolling Stones dit «Bonne-jou’ Monriawl’!», alors imaginez le sentiment d’appartenance lorsqu’on peut converser en français avec l’artiste sur scène.
Not bad, hein?
Aller à un concert d’un artiste québécois a une double valeur sentimentale pour moi. D’abord parce qu’on encourage l’artiste sous sa plus belle forme et que l’on reçoit le privilège de le voir en action. «Oui, je comprends, mais tsé, on peut faire ça avec Miley Cyrus auss…» Non. L’artiste québécois vient d’ici et la salle de concert se transforme en son salon, qui sent le pouding chômeur au four. C’est du pur réconfort. Aller prendre une Dieu du Ciel! avec le chanteur et son band après le spectacle (sachant tous de quelle bière tu parles) est aussi une option envisageable.
L’artiste devient ton chum de gars ou d’fille. En rétrospective, Marie-Chantal Toupin a déjà raconté ta sortie entre «Chums de filles». Cœur de Pirate explique à la salle comment s’est déroulé ta rupture avec ton ex dans «Adieu». Tu peux avoir Daniel Bélanger qui dévoile tes bleus dans «Rêver mieux». Loco Locass a aussi tenté de te libérer des libéraux dans ta période plus révolutionnaire. Un concert d’un artiste franco, c’est La Grand-Messe (comme dirait aussi Les Cowboys Fringants) des amoureux de la musique et c’est avoir «tout, tout de suite et ici».
Il ne manque plus que le lait et un fromage d’ici.