«Join the Dots» de TOY – Bible urbaine

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«Join the Dots» de TOY

«Join the Dots» de TOY

Pour flotter entre deux mondes

Publié le 29 janvier 2014 par Emmy Côté

Crédit photo : Heavenly

Un an après avoir sorti son premier disque homonyme aux couleurs psychédéliques, le quintette londonien TOY présente un second album, intitulé Join the Dots. L’offrande ne propulse pas le band dans une toute nouvelle orbite musicale, mais TOY poursuit sa trajectoire en grand. Soigneusement réalisé, combinant strates éthérées et nocturnes, séquences turbulentes et précipitées, Join the Dots aura le tour d’emporter tous ceux qui goûtent à ses tempêtes sonores intersidérales.

TOY ne réinvente sûrement pas les genres auxquels il touche, toutefois, rares sont les bands qui trempent dans les mêmes eaux sonores aux effluves psych pop et noise rock des années 1960 et 1980, et qui réussissent aussi bien qu’eux en 2014. The Horrors avait fait preuve de clairvoyance trois ans plus tôt en retenant la formation pour ses premières parties lors de sa tournée britannique. Avec Join the Dots, TOY prouve qu’il est passé maître dans l’art des longues sections instrumentales hypnotiques et déroutantes.

La musique de Tom Dougall et de ses acolytes exerce une étrange fascination lorsqu’on s’y abandonne: ces motifs musicaux répétés, ces bourdonnements qui retentissent en crescendo, ces instruments qui accélèrent sans pudeur et qui se projettent dans des vacarmes énergivores, on se laisse kidnapper, corps et âme, par leurs dynamiques cycliques et ensorcelantes. Même si TOY ne présente pas tellement d’éléments nouveaux sur Join the Dots, l’expérience déjantée auquel on a droit justifie qu’on en redemande encore.

Néanmoins, la formation anglaise a choisi de nous surprendre d’emblée sur Join the Dots. Le premier titre ajoute bel et bien une corde à l’arc musical du groupe. En effet, «Conductor», qui casse la glace de ce deuxième album, témoigne d’un nouveau penchant affirmé pour le krautrock des années 1970 et, plus spécifiquement, pour le légendaire groupe d’avant-garde allemand, Neu! Ce morceau long de sept minutes propose un défi impressionnant à ses instruments, celui de conserver le statu quo: la distorsion électrisante part et revient sans cesse dans un jeu constant, la basse tient la note jusqu’à la fin, la batterie conserve le rythme (si on passe outre les quelques variations subtiles). Il fallait une sacrée audace pour entamer un album de cette façon. C’était risqué, sauf que la composition fait office d’introduction percutante au final. «Conductor» apparaît comme l’un des titres les plus aboutis de TOY jusqu’à maintenant.

Par la suite, on replonge en terrain connu avec «You Won’t Be the Same», plus près musicalement des chansons à saveur pop de l’album antérieur («Lose My Way», «My Heart Skips a Beat»). On retrouve aussi le timbre traînant du chanteur à la silhouette légèrement androgyne. Le morceau renferme beaucoup de ce qu’avait à nous offrir autrefois Jesus and Mary Chain. Comme pour les titres de Psychochandy (1985), notre cœur se laisse prendre sans grande résistance. Puis vient «As We Turn», qui trouverait quant à elle sa réponse sur Halcyon Digest (2010) de Deerhunter ou même Lonerism (2012) de Tame Impala. Voilà certainement un autre titre joliment structuré.

La réelle capacité du groupe à innover est cependant démontrée avec «Join the Dots». Superbement construite, la pièce soulève la barrière d’un cran pour TOY. Naissant d’un rythme minimaliste, excessivement accrocheur, la chanson se transforme progressivement. L’intensité décuplant, elle entreprend ultimement un décollage sonore mémorable. Ensuite, il y a «Left To Wander». Celle-là aussi vaut assurément une écoute attentive: ses sons prolongés et surréels évoque une maîtrise du chaos à la Syd Barrett, tandis que son synthé lui ajoute une touche eighties rappelant Power Corruption and Lies (1983) de New Order. Autre moment vertigineux sur cet album, «Fall Out of Love», le dernier titre. Au moment où la batterie exécute de formidables acrobaties dans sa deuxième partie, on plonge pratiquement dans un état second. Quel fantastique point terminal à cet album!

Écouter TOY, c’est concrètement se frotter à une musique palpitante, forçant à l’abandon. Le groupe de l’East London possède certes beaucoup de talent et, avec «Join the Dot», il enjambe ce pas de plus vers l’album qui fera la différence. Mais, on déplore encore ces chansons qui nous font trop fortement ressentir une impression de déjà-vu. Le riff de «It’s Been So Long», par exemple, constitue presque un «copier-coller» du son exploité par The Strokes sur Is This It (2001). C’est lorsque le band s’éloigne un brin des sentiers battus, quand il approfondit plus particulièrement la branche psych-pop, qu’il est à son meilleur. Enfin, en dépit de ce défaut qu’on impute à sa jeune expérience, l’espoir qu’on mûrit pour TOY continue de grandir et on attend fiévreusement la suite.

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