«Île Jésus», le deuxième album de Bernhari – Bible urbaine

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«Île Jésus», le deuxième album de Bernhari

«Île Jésus», le deuxième album de Bernhari

Se retrouver dans la nuit pour rêver

Publié le 6 mai 2016 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Audiogram et Hraïr Hratchian

La voix aérienne et les ballades sensibles de Bernhari n’ont plus besoin de présentation; ou du moins elles ne devraient plus en avoir besoin. Lançant ce 6 mai son deuxième album intitulé Île Jésus, le chanteur, signé chez Audiogram, semble en parfaite maîtrise grâce à ce produit bien ficelé, aux influences diverses et aux riches instrumentations et, malgré une certaine pénombre, on plonge volontiers dans le grand rêve qu’il nous propose.

Bernhari semble rêver beaucoup, c’est à tout le moins un thème récurrent de ses 13 nouvelles compositions, alors qu’il chante notamment sur «Emmène-moi»: «Encore toi / J’ai rêvé à toi / J’y rêve souvent», et que deux chansons plus tôt, il avouait déjà «La nuit je rêve encore à toi» («Je pense à toi»). Mais il faut dire que ces références au monde onirique collent parfaitement à l’artiste, à sa façon de chanter, comme en apesanteur, et aux ambiances éthérées créées par les nombreux synthétiseurs, omniprésents sur le disque.

Avec lui, on plonge donc dans ce rêve d’une quarantaine de minutes, parcourant à ses côtés des histoires d’une belle poésie, même d’un certain romantisme. C’est surtout «Aime-moi» qui nous ravit avec ses paroles d’une belle sensibilité, alors que tel un cri du cœur, une dernière demande, Bernhari chante «Aime-moi / Comme une dernière fois / Je t’en prie Rose / Aime-moi / Comme si c’était / Pour la nuit Rose», même s’il sait que demain, déjà, elle s’en ira. «Solastalgia» est aussi à noter pour plus d’émotion et une voix – très haut perchée, éthérée – plus sensible.

Ses compositions, presque comme des scènes qui s’enchaînent et se font écho l’une de l’autre pour créer un ensemble cohérent, trouvent tout leur sens et ravissent surtout, justement, lorsqu’écoutées comme un tout. La chanson «Emmène-moi», qui comprend une belle mais trop minime participation de la chanteuse Stéphanie Lapointe, en est un bon exemple. Leurs deux voix hautes, qui sont toutes deux bien indiquées pour s’élever en apesanteur, s’accordent de jolie façon, mais s’effacent presque l’une l’autre, et le résultat donne l’impression d’un petit tableau atmosphérique, en continuité directe avec le reste du projet, mais qui sert plutôt à faire la transition entre «Toujours toujours» et «La nébuleuse», deux des pièces les plus rythmées de l’opus.

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Une très belle réussite, le morceau «Toujours toujours» est effectivement beaucoup plus entraînant que le reste de l’album, et donne envie de bouger et de chanter; on remarque d’ailleurs que le chant de Bernhari se révèle plus enraciné sur cette pièce, moins planant. Ce qui contribue sans doute à donner envie de danser, aussi sur la vivante «Nébuleuse», c’est sans doute les magnifiques lignes de basse, bien présentes et rythmées tout au long du projet. L’instrument, maîtrisé par Shawn Cotton, ravit partout où il se démarque, et il est mis de l’avant bien souvent, malgré les synthétiseurs et claviers qui prennent beaucoup de place et qui contribuent énormément aux ambiances planantes, à la fois futuristes et rétro, et aussi, il faut le dire, oniriques.

On les remarque, les instrumentations riches et les lignes mélodiques ici des claviers, là des guitares électriques, souvent de la basse. C’est qu’ils servent à assurer une présence bien marquée, ancrée, pendant que la voix aérienne de Bernhari vole au-dessus de la mêlée, accompagnée des synthétiseurs qui l’aident à s’élever, comme c’est le cas sur la douce «Je pense à toi». Sur le morceau un peu plus rock «Laniakea (les yeux)», pas étranger au travail d’Indochine, elle est toujours là, cette ligne de basse qui ravit et qui donne du rythme et de la vie au morceau, accompagnée ici d’une batterie tout aussi dynamique, alors que le chanteur, lui, évolue dans une ambiance plus lumineuse, voire joyeuse: «Mais ce soir je veux y croire / J’ai vu l’amour dans tes yeux

Au final, même si quelques morceaux ont quelques lacunes au niveau du contenu et des paroles qui se répètent, et que la chanson-titre se révèle être une chanson d’amour un peu plus mielleuse, le paradoxe qu’est Bernhari fascine, avec sa musique rock très enlevante et bien ficelée, mais sa voix vaporeuse, presque effacée par moments et élevée au-dessus de la mêlée. L’entraînante «Les années dix», du calibre de «Toujours toujours» et «Laniakea (les yeux)», représente exactement cette singularité, avec son début aux synthétiseurs, qui se voit compléter par une guitare acoustique et une basse qui prennent d’assaut le morceau et en font de la bombe, ce qui mène l’artiste à se rendre vocalement plus haut encore, présentant de nouvelles nuances dans sa voix.

Mais il faut bien que le rêve se termine un jour ou l’autre, et, tellement inspiré par le rêve, Bernhari nous quittera avec «Gloria (la nuit)», une chanson sur la nuit. Toute en synthétiseurs, avec une montée qui s’arrête drastiquement, elle agit comme un retour soudain à la réalité, après un long et agréable rêve passé en compagnie d’un jeune artiste saisissant.

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