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Crédit photo : Tom Andrew
Si le groupe change pratiquement de producteur à chaque album, en plus de ne jamais cacher son désir pour des explorations qui vont à l’encontre de ses sonorités habituelles, c’est probablement la première fois que le virage se montre aussi important. Confié aux mains de John Congleton, qui a notamment travaillé avec une large gamme d’artistes allant de Suuns, Explosions in the Sky et St. Vincent, voilà que les membres semblent s’émanciper et dévoiler enfin leur véritable côté sauvage auquel leur nom du groupe aspire depuis le début.
Après les déboires disparates de Present Tense, l’album précédent, ils reviennent à quelque chose de plus thématique. En effet, à l’instar de Smother, qui est encore aujourd’hui leur album le plus accompli (ce dernier s’intéressait à la dualité interchangeable de faire les bonnes actions pour les mauvaises raisons, ou les mauvaises actions pour les bonnes raisons), ils s’attaquent ici aux répercussions autodestructives de la virilité moderne dans un album conceptuel qui détonne.
Surtout, chose plus habituelle chez le groupe, on se concentre avec davantage d’attention sur leurs paroles, qui promettent de dévoiler des travers assez tordus. Parlez-en à la troublante «2BU», qui pousse décidément la notion d’envie au niveau supérieur.
Ce sujet omniprésent, qui remet en question la place de l’homme, est par moments plus subtil et par d’autres plus éloquent, comme sur la pièce d’ouverture «Big Cat». Il semble tout indiqué pour un groupe qui continue encore de marquer surtout grâce à la voix de falsetto d’Hayden Thorpe. Celle-ci, à l’instar d’un certain Freddie Mercury, sait certainement comment se distinguer face à l’enrobage tantôt rock tantôt pop de leur musique, genres qui n’ont pas l’habitude de s’enticher d’un tel type de chanteur.
On entre donc dans un univers délirant aux côtés de cette voix et de ces arrangements tous plus inusités composés de synthétiseurs qui évoquent les années 80, les gros néons fluorescents et les promenades en motos vrombissantes avec manteaux de cuir. Les envolées sur «Alpha Female» font immédiatement réagir notre corps, qui a aussitôt envie de se déhancher avec folie, tout comme la tourbillonnante «He the Colossus».
Bien sûr, un album de Wild Beasts ne serait rien sans la voix complémentaire de Tom Fleming. Complètement à l’opposé, aussi grave que déchirante, celle-ci permet au groupe de ne pas délaisser le côté bouleversant. On pense à «Ponytail» qui, malgré son tempo des plus invitants, ne peut s’empêcher de nous atteindre droit au cœur avec des paroles comme «But she won’t come lightly, beautiful agony»; la sincérité vocale de Fleming ici y étant pour beaucoup. Bien qu’il n’y soit pas au-devant, la sublime pièce de clôture «Dreamliner» rappelle aussi le génie du groupe pour créer des ballades fortes et inoubliables.
Si les deux chanteurs s’alternent encore quelques pièces comme de coutume, ils se permettent également de croiser davantage leurs voix et d’encore mieux enrichir les désirs de l’album. Après tout, on se permet encore de parler de sexualité comme personne et de donner lieu à des images aussi fortes que le génie musical derrière chaque pièce. «Celestial Creatures» en est certainement l’un des plus beaux exemples.
Il ne faut donc pas s’inquiéter: le groupe a beau avoir muté vers quelque chose d’a priori plus accessible, on retrouve encore sans mal leurs divers jeux de pouvoir, de contrôle, de séduction, de domination et tout ce qui peut se cacher dans leurs paroles et dans leurs constructions musicales qui s’emparent sans mal de nos oreilles. La délirante «Eat Your Heart Out Adonis» aura tôt fait de convaincre les plus sceptiques qui ont peur de ne pas reconnaître l’audace dont le groupe a toujours été épris.
Enfin, accrocheur comme on ne pourrait pas mieux le souhaiter, Boy King est un pari réussi et l’éclosion d’une bête qui nous nargue depuis longtemps. Un album brillant qu’on fait tourner encore et encore tellement il est merveilleux.
L'avis
de la rédaction