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Crédit photo : Secret City Records et Michael Vincent Tan
Il y a des choses qui, elles, ne changent pas: les relations amoureuses sont des sources d’inspiration intarissables pour les auteurs-compositeurs-interprètes, et elles savent rejoindre un vaste auditoire. Si en plus on les associe à des mélodies pop plutôt accrocheuses, on tient certainement un succès. Mais Basia Bulat n’est pas le genre d’artiste à concevoir un projet en fonction des recettes: on sent Good Advice sincère, authentique, dans sa façon de nous livrer quelques pans de vie, quelques réflexions intimes, mêmes si ses paroles sont forcément pensées pour s’ouvrir sur le monde, sur le collectif.
De celle qui ne veut pas se mettre la tête dans le sable en se mentant à elle-même («La La Lie») à celle qui met les freins, car elle reconnaît que sa relation ne va pas bien («Someday Soon»), en passant par celle qui ne veut pas qu’on joue avec elle et qui demande fermement que l’autre prenne une décision claire quant à leur avenir («Infamous»), Basia Bulat explore différentes situations possibles qui peuvent survenir au sein d’une relation amoureuse. Et de ces nombreuses expériences se dégagent, au fil des dix chansons, une sagesse grandissante, une façon très mature de revenir sur des événements malheureux sans tomber ni dans l’autoflagellation, ni dans le reproche.
Mais pour réussir à toucher droit au cœur avec de telles histoires universelles, il faut malgré tout que la musique et la voix soient au rendez-vous et servent bien le propos. Suivant globalement la même lignée musicale que sur son précédent album, Good Advice n’atteint pas toujours tout à fait son objectif, en raison d’enrobages musicaux un peu trop artificiels, d’artifices qui tirent parfois un peu trop sur le «pop bonbon». C’est notamment le cas sur «Let Me In», qui contient beaucoup de sonorités électroniques amusantes, en plus de paroles plutôt répétitives et de propos un peu vides, relatant une histoire tout à fait typique, générique, ne laissant pas entrevoir la couleur personnelle de Bulat. La chanson-titre, quant à elle, bénéficie de ses accords hauts perchés plaqués au synthétiseur, puisqu’elle est vocalement plus posée, même assez bêtement linéaire.
Elle nous raccrochera assez rapidement, néanmoins, car déjà sur la quatrième piste, «In The Name Of», on sent sa voix plus dans l’émotion, avec plus de nuances, donnant un résultat plus déchirant, ce à quoi contribue également un chœur féminin, à l’arrière-plan, qui confère une belle puissance au morceau. Si «Time» se révèle aussi plus lente et sensible, on ne peut s’empêcher de penser ici aussi qu’un peu moins d’enrobage musical aurait pu lui donner le potentiel d’être aussi poignante et fragile que les «It Can’t Be You» ou «Paris or Amsterdam» du précédent disque.
Qu’à cela ne tienne, il y a des mariages réussis – dans la vie comme musicalement, sur l’album –sur Good Advice, et dès la pièce d’ouverture, on ne renie pas l’entrain et le dynamisme de «La La Lie», qui, malgré ses propos assez dramatiques, nous fait danser et contient un refrain qui agit comme un véritable ver d’oreille. Ça fonctionne. C’est aussi le cas d’«Infamous», probablement la meilleure chanson de l’effort, qui agit tel un cri du cœur: «Come back or not, but call it off / Come back or don’t, but turn me down / Don’t waste my time pretending love is somewhere else». Ce morceau présente à la fois de belles nuances dans la voix de Bulat et une enveloppe musicale riche, avec les magnifiques violons et violoncelles de Scott Moore et Charlie Patton, et aussi un propos senti, personnel, qui démontre une fragilité, une sensibilité qu’on ressent bien et qui est touchante.
En fin de parcours, alors qu’elle adopte à partir de «The Garden» des sonorités plus ambiantes et simplistes (Bulat seule avec ses synthétiseurs, ainsi qu’une petite touche de saxophone de Jim James, dans ce cas-ci, donnant un morceau personnel et intimiste), on sent la chanteuse plus sereine quant à ses histoires difficiles et ses ruptures amoureuses. C’est sur l’apaisante «Someday Soon» qu’elle-même mettra les freins sur une relation, parce que «This love cannot last / Even if your will has», prouvant tout le chemin parcouru et la maturité gagnée. C’est aussi sur cette finale toute en douceur que s’est effectué le retour inespéré de la fameuse autoharpe, qui a presque été sa marque de commerce sur ses deux premiers disques.
Comme quoi il ne faut jamais se perdre soi-même, autant dans une relation que dans la vie de façon plus globale, et il ne faut pas hésiter à revenir aux sources en situation de doutes ou de bouleversements, afin de se retrouver soi-même. Et c’est probablement ce qu’a fait Basia Bulat sur ce quatrième disque, car ce qu’elle révèle est vrai et authentique…c’est probablement ça, le Good Advice à retenir!
L’album Good Advice de Basia Bulat est paru sous Secret City Records le 12 février 2016. La chanteuse sera aussi en spectacle le 18 février prochain au Club Soda à l’occasion de Montréal en Lumière.
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de la rédaction