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Crédit photo : Sony Music UK
Cette nouvelle approche, calquée sur le disco d’ABBA et saupoudrée d’un dance-rock rappelant parfois les Talking Heads, est à première vue prometteuse. La très accrocheuse pièce-titre, lancée en grande pompe le 1er juin dernier, laissait présager un album estival, lumineux et dansant (mais également déroutant) sur le thème du post-factuel, de la technologie, de l’instantanéité et de la surconsommation.
En effet, le morceau «Everything Now» et sa finale rassembleuse à la «Wake Up» est probablement le plus accessible et le plus accrocheur que le groupe n’ait jamais composé. Le deuxième extrait de l’album, l’abrasive «Creature Comfort», et son irrésistible mélodie de synthétiseurs rassuraient quant à eux les amateurs du rock d’aréna incarné par Arcade Fire.
Là où le bât blesse, c’est que le groupe est en quelque sorte victime de son message… Avec sa machine promotionnelle réglée au quart de tour et ses nombreux coups d’éclat sur le web, la bande de Win Butler et de Régine Chassagne participe davantage au système qu’il ne le combat. Les pièces, plus pop et accessibles, transpirent un mercantilisme qui est pourtant décrié sur l’album.
Malgré tout, on était prêt à pardonner au groupe ses contradictions. La qualité de sa musique nous l’aurait rapidement fait oublier. Le problème, ici, c’est que les nouveaux morceaux sont bien moins solides que ce à quoi on a été habitué: pour la première fois de son existence, Arcade Fire semble confus et sur le pilote automatique. Le groupe tire dans tous les sens sans jamais parvenir tout à fait à proposer du contenu innovant ou à maintenir une vitesse optimale. Les morceaux s’écoutent d’ailleurs mieux de manière individuelle que dans un ensemble structuré. La mollesse de certaines pièces et la banalité des textes indiquent que le groupe n’a pas encore finalisé sa transformation.
Composé avec des producteurs-musiciens très compétents, dont Thomas Bangalter de Daft Punk, Steve Mackay de Pulp et Geoff Barrow de Portishead, Everything Now dénote un savoir-faire évident. Le groupe est devenu une véritable machine à faire des hits. Ce n’est un secret pour personne: Arcade Fire sait fabriquer des succès. Toutefois, quand on s’attarde au noyau de l’album, on ne peut que se demander où est donc passé le groupe qui nous a offert des chefs-d’œuvre comme Funeral ou The Suburbs… Pour la première fois, on reste sur notre faim.
Everything Now commence en quatrième vitesse en nous balançant tous ses gros morceaux d’entrée de jeu. Puis à partir de «Peter Pan», on ressent les premiers signes de la fatigue. «Chemistry» vient confirmer la tendance, avec ce qui est probablement le texte le plus faible du groupe, où un homme tente de convaincre une femme qu’ils ont la chimie pour être ensemble. Banal, direz-vous? Eh bien, oui!
Sur les treize pistes de l’album, trois sont occupées par la pièce-titre; la première et la dernière sont des relectures, ce qui laisse moins de place à des morceaux qui auraient pu tirer l’album vers le haut. «Infinite Content», l’une des pièces les moins réussies d’Everything Now est, quant à elle, divisée en deux volets: l’un plus punk et expéditif, l’autre plus dépouillé, au piano. Au final, les deux versions ne sont pas complémentaires et donnent l’impression d’être inachevées; elles auraient très bien pu occuper une seule et même entité. On est loin des trois volets de «Neighborhood» de Funeral…
Parmi les bons moments, soulignons la jolie «Electric Blue» où Régine Chassagne brille de mille feux, bien que son falsetto puisse en irriter plusieurs… On se désole que cette dernière n’occupe pas plus de place sur Everything Now, qui en aurait sûrement beaucoup bénéficié. La puissance de ses interprétations a toujours été bénéfique pour son groupe, pensons notamment à la sublime «Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)» sur The Suburbs.
La pièce «We Don’t Deserve Love» incarne pour sa part une profondeur et une subtilité qui font du bien et qui auraient gagné à être exploitées davantage à d’autres moments sur l’album. Le morceau se conclut avec un joli chœur et une montée mélodique très réussie. Ces bons coups ne sont cependant pas suffisants pour nous enlever le goût amer de la bouche lorsque tout se termine.
Victime de son ambition toujours grandissante, Arcade Fire souffre d’un syndrome que traversent bon nombre de groupes au sommet de leur gloire (U2, Coldplay, etc.) et signe une collection de chansons hétéroclites qui cherchent à plaire aux masses tout en tentant aussi de contenter les fans de la première heure. Le résultat est un album (trop) grandiloquent et inégal, où se côtoient le disco dansant et léger, et les thématiques plus graves, notamment le mal de vivre exprimé sur «Creature Comfort».
Mais comme Arcade Fire est un groupe un peu spécial, qui a plus d’un tour dans son sac, il sera tout de même intéressant de le surveiller prochainement en concert, où ces nouveaux morceaux pourraient fort bien être réarrangés, on l’espère, de manière plus convaincante.
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de la rédaction