«Enfant de la terre» du rappeur Samian – Bible urbaine

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«Enfant de la terre» du rappeur Samian

«Enfant de la terre» du rappeur Samian

Non loin des sentiers battus

Publié le 16 mars 2015 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Disques 7ème Ciel

Un peu plus de slam au Québec? Il était temps! Outre les slameurs de renom de notre mère patrie comme Grand corps malade ou Abdel Malik, la terre québécoise avait bien préparé sa voie par les rappeurs à texte de qualité comme Sans Pression, Muzion, de même que les incontournables Loco Locass, avec qui Samian a eu l'occasion de collaborer. Mais la route était peut-être un peu trop bien tracée, justement, au point que le dernier album de Samian laisse parfois une impression de déjà entendu.

Lors des ses précédents passages à quelques prestigieux festivals comme celui des Francofolies de Montréal ou de la Présence autochtone, il a laissé sa marque par un discours clair et engagé, un «rap intelligent» comme il se plaît à le dire. De même, Enfant de la Terre parle plus à l’intellect qu’aux pulsions vitales, puisqu’il fait appel à un lyrisme politique et un discours presque anthropologique, mais aussi parce sa musicalité, bien qu’elle convienne aux normes du rap, ne semble pas chercher à les réinventer.

Et la parole? Bien sûr, celui qui se décrit comme un loup solitaire, parmi les requins de la scène, doublé d’un guerrier, guidé par son dieu et armé de son stylo, dans un monde plutôt apocalyptique, manie bien les mots.  Mais quel rappeur ne se reconnaîtrait pas dans cette définition? Il se distingue sans doute par le fait de le dire sans misogynie ou vulgarité. Toutefois, là où des poètes de rue jettent parfois un éclairage brutal sur l’absurdité de l’existence, en décrivant certaines scènes de leur propre vie avec cynisme, Samian évoque une détresse passant davantage par le «on» revendicateur. Il perd alors un peu de cette richesse intimiste qui caractérisait Les Nomades, une chanson phare de son premier Album Face à soi-même.

C’est à une deuxième et une troisième écoute, toutefois, que l’on en savoure la particularité. Il insiste beaucoup sur l’appel au divin: on aime ou on n’aime pas. Mais il touche immanquablement par les effluves d’épinettes et son attachement profond à la terre mère et à ses frères autochtones qui semblent rejaillir de chacun de ses vers. Mis à part le rappeur Anodajay, avec qui il collabore depuis 2006, il est un des seuls rappeurs à savoir entraîner les rythmes de rap avec autant de sensibilité et d’ardeur loin de leurs contrées urbaines habituelles.

Ses mots nous frappent et atteignent leur cible plus efficacement lorsque Samian retourne aux sources de sa nostalgie, s’attardant aux blessures de ses ancêtres, dans Blanc de mémoire ou quand il réclame justice pour les siens, avec Rez. L’ambiance hybride entre le slam et le jazz, offerte par À cœur ouvert, s’écoute aussi agréablement.

Pourtant, c’est lorsqu’elle échappe aux conventions du rap, et passe plutôt par l’insistance d’une délicate mélodie et les rimes parfaitement équilibrées de Plan Nord, que la colère politique de Samian  parvient le mieux à s’infiltrer jusqu’à notre âme. On ne demande pas à un rappeur de chercher la nuance, mais d’entendre, par-delà les manifestations urbaines et les promesses diplomatiques, des accords étonnamment doux porter l’amertume des peuples autochtones, surgit alors comme un vent de fraîcheur.

Ne ratez pas sa rentrée montréalaise qui se tiendra le 9 avril 2015 à 20h au Cabaret La Tulipe, avec le rappeur ottavien d’origine béninoise Le R. Pour plus d’information, visitez l’évènement Facebook au www.facebook.com/events/samian.

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