MusiqueDans la peau de
Crédit photo : Victor Pattyn
Gaël, tu es auteur-compositeur-interprète, rappeur, poète et écrivain. On dirait bien que les mots, en plus de la musique, t’inspirent énormément. D’où t’est venue l’envie d’écrire et comment as-tu nourri cette passion au fil des ans?
«J’ai eu une adolescence chahutée et instable. J’ai dû fuir mon pays natal, le Burundi, à cause de la guerre et je me suis installé en France dans une société que je ne comprenais pas. C’est durant cette période que l’écriture m’a permis de mettre des mots sur des sentiments douloureux et d’extérioriser ce que je ne parvenais pas à formuler au sein de ma famille et à l’école.»
«En plus de devenir une véritable passion, ça a été une bouée de sauvetage. La lecture de romans, la rencontre avec les œuvres de grand.e.s écrivain.e.s ainsi que la découverte du rap et de la culture hip-hop m’ont permis d’étoffer ma connaissance de l’écriture et de nourrir cette passion.»
Il semblerait que tu aies fait tes premiers pas comme musicien en fondant le groupe Milk Coffee and Sugar avec le rappeur Edgar Sekloka. Ça a d’ailleurs été un beau succès, puisque votre premier album avait été nommé «découverte» du Printemps de Bourge en 2011. Comment est né ce projet et qu’est-ce qui t’a donné envie de poursuivre ta carrière musicale en solo, alors que vous aviez chacun pris des chemins différents?
«Le groupe MC’S s’est formé un peu par hasard. J’ai rencontré Edgar au sein d’un collectif d’artistes; notre passion commune pour le rap des années 90 nous a rapprochés. On avait pris l’habitude d’enregistrer des titres ensemble et, un jour, on s’est rendu compte que l’on avait suffisamment de chansons pour en faire un album.»
«Cet album totalement autoproduit nous a permis de rencontrer un petit succès d’estime et de faire une tournée dans toute la France. En 2015, alors que nous travaillions sur notre deuxième album, Edgar a décidé de mettre fin au groupe pour des raisons personnelles.»
Après «Respire», tu viens tout juste de faire paraître le vidéoclip de «Lundi méchant», single issu de ton album du même nom, à paraître le 6 novembre. Pourquoi avoir choisi ce titre qui, disons-le, est à la fois mystérieux et évocateur d’un train de vie frénétique?
«Je souhaitais un titre énigmatique comme j’ai pu le faire sur mes projets précédents (Pili-Pili sur un croissant au beurre, Rythmes et botanique, Des fleurs). Un titre qui ne dévoile pas le concept à la première lecture. Dans son sens premier, «Lundi Méchant» est le nom que l’on donne à une soirée enfiévrée qui a lieu tous les lundis soirs à Bujumbura (Burundi) au Cinq sur Cinq, une boîte de nuit où les clients arrivent à minuit et dansent jusqu’à l’aube pour enchaîner avec le boulot le mardi matin.»
«Derrière cette soirée atypique de début de semaine se cache une philosophie: un état d’esprit d’irrévérence et de rébellion face aux normes sociales qui voudraient que l’on attende sagement la fin de la semaine pour s’amuser et sortir en boîte. Cette affirmation de l’individu face aux règles, aux normes et aux carcans est l’idée forte qui traverse l’ensemble des titres de cet album.»
Peux-tu nous parler de tes inspirations, des thématiques abordées, ou encore des sonorités présentes sur cet album? On est curieux de savoir si tu as adopté une direction différente de tes précédentes parutions telles que Rythmes et botanique ou Des fleurs, par exemple.
«Cet album est arrivé après une tournée non-stop de trois ans où j’ai défendu sur scène mes deux EPs (Rythmes et botanique et Des fleurs) et accompagné la sortie de mon roman Petit pays traduit dans plus de 40 langues à travers le monde. J’étais vidé et j’ai dû faire un long travail d’introspection pour savoir ce que je voulais raconter. J’ai voyagé en Afrique, en Europe et en Amérique.»
«J’ai fait de nombreuses rencontres qui m’ont permis de dessiner petit à petit l’album que je voulais faire. Un album dansant et pensant, une musique mélodieuse entre sons électroniques et acoustiques, sans codes et avec des textes qui n’empruntent plus un je trop intime comme ce fut le cas sur mon album Pili-Pili sur un croissant au beurre.»
Étant donné le contexte pandémique actuel, de quelle façon comptes-tu faire la promotion de Lundi méchant, et comment penses-tu entrer en contact avec tes fans pour faire entendre tes créations? On ne doute pas que ça va demander beaucoup de créativité!
«Pour l’instant, j’en suis réduit à un contact virtuel avec mon public. Je compte clipper le maximum de chansons pour garder un lien avec les gens et, si la situation ne s’améliore pas, je pense déjà à reprendre les concerts en proposant des formules plus acoustiques et intimistes, dans des salles plus petites, même si on est loin de l’idée première d’un lundi méchant!»
Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.
Gaël Faye en images
Par Victor Pattyn