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Crédit photo : William Arcand
En quête de passion
Bien avant que sa carrière ne l’emmène à parcourir des chemins que peu de gens ont eu la chance d’emprunter avant lui, Christophe Dubé a toujours été un garçon parmi tant d’autres qui ne se sentait pas toujours à sa place. Même s’il a toujours excellé comme élève, au fond de lui, il savait qu’un parcours plus «classique» n’était pas annoncé dans ses cartes.
«À la base, la musique, ce n’était pas vraiment un médium à travers lequel je pensais m’émanciper. C’était plus comme un passe-temps. J’étudiais en science politique à l’Université Laval, et ça tournait vraiment en rond. Rapidement, je suis devenu quand même dépressif. Ma mère me voyait aller et elle m’a demandé ce que j’aimais par-dessus tout et j’ai répondu: la musique. Elle m’a vraiment encouragé à me lancer pour de vrai et à suivre ma passion plus sérieusement.»
Ainsi, Christophe a décidé de mettre ses études sur pause pour devenir livreur de pizzas pendant un an afin d’amasser le plus d’argent possible pour déménager à Montréal et tenter sa chance. C’est une fois sur place qu’il s’est inscrit au bacccalauréat en musiques numériques à l’Université de Montréal, ce qui, selon lui, a été une étape assez vague mais essentielle dans son parcours artistique.
«Ça m’a permis de rencontrer des musiciens vraiment talentueux, et en plus, ce sont des gens avec qui j’ai évolué musicalement. Je pense que ça m’a appris des choses que j’utilise encore aujourd’hui. C’est une bonne base à avoir et à développer.»
La liberté avant tout
Lentement mais sûrement, CRi a commencé à explorer par lui-même, ayant accès de plus en plus à du matériel pour expérimenter et repousser les limites de sa créativité, et c’est surtout parce qu’il aime se laisser guider par son instinct et l’inspiration du moment.
«De manière générale, je commence souvent par la recherche des accords avec mon piano. C’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que ma musique est axée sur les mélodies et les harmonies. Je commence souvent à écrire ma musique comme ça, un peu comme un auteur-interprète qui gratte sa guitare et qui écrit ses textes. Après, j’explore avec des drums et des synths pour porter mon idée un peu plus loin. Mon approche change souvent. Ça peut commencer avec un beat que j’ai entendu et qui m’a inspiré, ou bien je pars d’un sample que j’ai aimé et je me laisse aller là-dedans.»
Pour lui, la liberté au niveau de son approche créative est primordiale et il refuse de se contenter d’une seule façon de créer de la musique. Et surtout, il prône l’esprit de collaboration avec d’autres artistes, ce qui lui permet d’explorer davantage et d’élargir sa vision également. C’est pourquoi il a fait une place aussi grande à des artistes québécois dont il admire le travail, comme Sophia Bel, Robert Robert, Jesse Mac Mormack ou encore l’une de ses idoles, Daniel Bélanger.
Travailler avec Daniel Bélanger: un rêve devenu réalité
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Collaborer avec Daniel Bélanger a été une expérience hyper positive pour le jeune producteur, qui en parle avec beaucoup d’enthousiasme: «Daniel Bélanger, c’est vraiment une légende pour moi. J’écoute sa musique depuis que je suis tout petit avec mes parents dans la voiture, et c’est sûr que d’avoir eu la chance de faire une chanson avec lui, c’est vraiment fou. Sur le coup, on dirait que je n’y croyais pas. Je lui ai écris après avoir repris sa chanson «Fous N’importe Où» avec Charlotte Cardin, et il m’a répondu super rapidement. On est allés prendre un café ensemble pour jaser et apprendre à se connaître.»
Puis, leur collaboration s’est faite à distance. Les deux artistes ont échangé des idées et, assez rapidement, le travail a pris forme: «C’est un peu la raison pour laquelle cette chanson s’appelle Signal, c’est parce que, justement, on s’envoyait des signaux l’un et l’autre pour finalement se retrouver devant la chanson qu’on connait aujourd’hui. C’est vraiment rendu un ami et un mentor aussi; on s’écrit et on s’envoie des trucs souvent, et c’est vraiment cool!»
Des couleurs locales
Malgré le fait qu’il a signé avec le label britannique Anjunadeep, une entreprise fondée par le trio Above & Beyond et qui regroupe des artistes influents dans le milieu de la musique électronique, Juvenile ne comporte que des collaborations avec des artistes d’ici. Un choix artistique délibéré qui était vraiment important pour le jeune musicien: «Je voulais que mon premier album soit 100% made in Québec. Autant pour la direction artistique, que les photos, que pour la pochette de l’album, les vidéoclips, les collaborateurs, tout tout tout a été fait au Québec.»
Il ajoute: «Je ne suis vraiment pas un chauvin nationaliste, mais pour moi, c’est important de mettre en lumière d’où je viens ainsi que notre culture singulière. Je crois que c’est aussi intéressant pour les gens à l’international, parce que je ne pense pas que c’est tout le monde qui sait que ça existe, le Québec, et ils sont encore moins informés sur notre culture, qui, selon moi, gagne tellement à être connue».
Un hommage à la spontanéité
Juvenile, son premier album, est ainsi un amalgame flirtant entre des sonorités pop et électro à la fois. C’est un opus accessible, dansant et empreint d’une émotion très forte qui peut même surprendre celles et ceux qui croient que la musique électro est unidimensionnelle et sans profondeur. Au cœur de l’album se trouve un désir puissant pour l’artiste québécois, celui d’honorer la spontanéité qui vient avec le fait d’être jeune et de vouloir vivre sans compromis.
«J’ai appelé l’album Juvenile pour faire un peu l’éloge de l’état d’esprit dans lequel je me trouvais quand j’ai créé cet album-là; un état d’esprit spontané, dans le sens où j’ai fait les chansons sans vraiment trop me questionner et sans savoir ce que je faisais vraiment. Pour moi, c’était vraiment la meilleure façon d’imager mon processus de création, et j’ai réalisé qu’il y avait un aspect assez naïf dans ma façon d’approcher ma musique».
Il affirme aussi que le titre lui est venu quand il a pris conscience que la spontanéité et la fougue de sa jeunesse lui semblaient plus lointaines et donc moins présentes dans sa vie. L’album lui a ainsi permis de se les réapproprier: «Un peu comme un adolescent qui veut vivre plein d’affaires et qui essaie plein de choses, mon approche et mon attitude étaient vraiment inscrites dans cet esprit plus libre. C’est aussi une façon, pour moi, de rendre hommage à cette liberté et de ne pas oublier qu’elle est encore présente aujourd’hui. Plus je vieillis et plus je réfléchis à ce qui est vraiment bien, mais en même temps, il ne faut pas oublier d’être spontané et de laisser la crainte de côté. Il faut foncer!»
La foutue pandémie
«En début d’année, je sentais que la pandémie arrivait rapidement et j’étais comme «Pas une fucking pandémie juste quand je suis sur le point de sortir mon album!» Je capotais un peu, pour vrai, mais j’ai finalement décidé de le sortir quand même, et la réception a été super positive.»
Comme tout le monde, CRi a eu des doutes et des craintes vis-à-vis la pandémie de la COVID-19 qui fait toujours rage partout dans le monde. Au début, il n’était pas si certain que l’idée de présenter un album était la bonne chose à faire, mais il a vite compris que la musique représente une échappatoire nécessaire et une source de réconfort tellement importante pour tellement d’individus. «Ce n’était pas une option, pour moi, de devenir silencieux à travers la crise, parce qu’on ne sait pas jusqu’à quand ça va durer cette cochonnerie-là, et je pense que les gens ont aussi besoin de musique et d’art pour avancer et pour traverser cette période trouble. Si je me fie aux messages que j’ai reçus, ça me confirme que j’ai bien fait de me fier à mon instinct et de le sortir malgré tout.»
En effet, Christophe Dubé affirme avoir reçu des messages de plusieurs individus, dont des personnes qui travaillent dans le réseau de santé: «Plusieurs m’ont dit que ma musique les a aidés à garder le cap dans leur travail, et j’étais comme, fuck yeah!, ça sert à quelque chose ce que je fais!»