MusiqueCritiques d'albums
David Cronenberg adore jouer avec son public et c’est sans surprise que son plus récent film Cosmopolis fait tout sauf rendre indifférent. Si certains adorent, d’autres détestent, mais rares sont ceux qui en sortent sans véritable opinion, qu’elle soit faible ou fort prononcée. C’est dans la même perspective que la trame sonore du film laisse tout autant perplexe que débordant de questionnements, laissant l’auditeur entre l’enchantement et l’hésitation.
Si le côté beaucoup plus classique a fort souvent ponctué l’œuvre du compositeur Howard Shore, tout comme les films de Cronenberg, comme en a fait foi leur plus récente collaboration sur A Dangerous Method, c’est une tout autre approche qui a été abordée ici. Contre toute attente, le célèbre compositeur canadien oscarisé majoritairement connu pour The Lord of the Rings ou ses collaborations aux récents films de Martin Scorsese comme The Aviator, Hugo ou The Departed, a préféré embrasser l’idée futuriste qui englobe la prémisse même du film pour offrir quelque chose de plus mystique, mystérieux et actuel. C’est dans cette perspective, et de façon totalement inattendue, qu’il a fait appel au groupe canadien Metric, qui a non seulement collaboré à la plupart des compositions (après tout, la musique a été entièrement enregistrée dans leurs studios), mais également composé des chansons spécialement pour le film.
Du coup, entre les nombreuses chansons gorgées d’intrigues et de mystères que suggèrent les compositions de Shore se faufilent plusieurs chansons électro-pop certainement détonantes, qui rehaussent sans contredit le ton général. La voix lointaine et hésitante d’Emily Haines apporte une dynamique différente et bien accueillie sur les titres «Long to Live» et «Call Me Home», alors que la jouissive «I Don’t Want to Wake Up» s’offre comme un hymne libérateur parfait pour, ironiquement, le plus beau des réveils.
Il faut également mentionner la pièce hip-hop «Mecca», interprétée par le rappeur somalien K’Naan, dont les paroles ont été écrites par Don DeLillo, l’écrivain et dramaturge à l’origine du roman duquel est basé l’adaptation cinématographique de Cronenberg. Une chanson douce, assez importante quand on a vu le film, et qui suit le ton relativement condamné de cette œuvre aux allures apocalyptiques, en plus de certainement détonner dans un film du célèbre réalisateur qui approche bientôt de ses 70 ans!
Pour le reste, si cette musique discrète et hypnotique connaît de bien belles montées, des progressions, des insistances, des pauses et des descentes d’enfer, il faut avouer qu’à l’inverse d’autres trames sonores, celle-ci s’écoute un peu moins bien sans le long-métrage qui l’accompagne. Démunie des images intrigantes de Cronenberg et de l’envahissante constellation qu’il a créée avec ses personnages et sa distribution de haut calibre, la musique perd légèrement de son sens et n’en ressort qu’avec l’allure d’une musique d’ambiance qui ne s’écoute malheureusement pas seule.
Si l’on veut redorer l’univers de la musique de film, un peu comme l’a fait David Fincher en confiant la tâche à de vrais musiciens comme Trent Reznor et Atticus Ross, il faut à tout prix transcender le moule et non simplement le rehausser. L’apport de Metric, avec Cosmopolis, n’a pas poussé le procédé assez loin, à défaut de le magnifier un tant soit peut.
On remercie donc la qualité des chansons, mais on regrette un peu le manque de fluidité entre les compositions ou le thème principal, puisque pour le reste, on n’est toujours pas certain, à défaut d’avoir le film sous les yeux, de savoir où tout cela peut musicalement nous mener.
Appréciation: ***
Crédit photo: Les films Séville
Écrit par: Jim Chartrand