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Crédit photo : Atlantic et Flavia Schaub
Figure publique marquante et aux collaborations nombreuses, CeeLo Green poursuit également une fascinante carrière solo qui lui permet d’explorer des horizons qu’il ne se permet habituellement pas. Il a, après tout, délaissé le hip-hop depuis longtemps, utilisant The Lady Killer pour se permettre de déambuler dans des territoires beaucoup plus soul qui font ressortir un côté crooner plutôt inattendu.
De son côté, CeeLo’s Magic Moment l’a poussé à revisiter de grands classiques des fêtes, en plus de profiter de collaborations marquantes avec nul autre que Rod Stewart, sa collègue de The Voice, Christina Aguilera, et même The Muppets!
De retour après une succession mouvementée de plusieurs unes des tabloïds, le revoici seul avec lui-même alors qu’il fait face à une mélancolie qui va bien au-delà de ses séductions concluantes, ou non. Si autrefois il faisait la part des choses entre ses conquêtes qu’il délaissait et celles dont il ne pouvait plus se passer malgré leur refus évident, l’artiste voit ici plus grand.
Dès la sublime et très courte introduction dont on aurait pris davantage, il nous invite à prendre part à une version encore plus sincère de sa personne. «Take Me, Look in my eyes, You’ll see the soul, underneath my celebrity skin» chante-t-il humblement. Mieux, il annonce l’intention de nous faire planer alors qu’il chantonne «I’m gonna live it up, and lift it up, higher».
Et dans cet ordre d’idées, disons que des moments marquants, l’album n’en manque certainement pas. Si sur «Est. 1980s» il revisite son enfance et les années 80 avec un refrain qui reste en tête, il ralentit le tempo sur «Mother May I», pièce co-écrite et produite par le grand manitou Mark Ronson, lequel vient insuffler à l’album sa fibre funk.
Toutefois, si l’on comprend le leitmotiv du chemin de non-retour et du temps qui passe sur des chansons comme «Sign of the Time» et «CeeLo Sings the Blues», où il pousse la note avec brio, c’est la plus ambitieuse «Race Against Time», située au niveau des mêmes thématiques, qui saura marquer plus encore.
Cette dernière chanson agissant à titre de synthèse de sa carrière, laquelle va même chercher l’inventivité de son groupe Gnarls Barkley surtout dans la construction atypique, les tambourins festifs de son album de Noël, les paroles plus personnelles et le refrain qui rassemble tout en donnant envie de se déhancher, l’artiste a certainement ici un titre gagnant.
Alors que plusieurs autres essais sont plus anodins, comme «Working Class Heroes (Work)», qui fait davantage penser à Timbaland, on doit spécifiquement multiplier les écoutes sur deux pièces qui sont tout simplement splendides. La première, «Robin Williams», le premier single de l’album, trouve au-delà de ses paroles conscientisées un hymne universel sur le deuil et la dépression où CeeLo nous dit: «We’ve Got to Laugh the Pain Away». La deuxième, quoique trop courte, est l’irrésistible «Music to my Soul», une ballade pop à la fluidité désarmante, aussi jolie dans ses paroles que dans l’amalgame des sonorités qu’on y a assemblées, des cordes aux percussions jusqu’à ce petit loop électronique qui hante la totalité de la chanson.
Avec quinze pièces qui approchent l’heure complète, CeeLo Green prouve à nouveau que ses états d’âme se lient bien avec son cycle créatif. Si la mélancolie lui permet une sensibilité qui séduit autant qu’elle étonne, comme il l’avait prouvé par le passé avec sa magnifique reprise de «No One’s Gonna Love You» de Band of Horses, on préfère néanmoins lorsque l’artiste varie ses pensées.
Heart Blanche demeure malgré tout un très bel effort qui élargit encore grandement la palette de l’artiste déjà bien établi. On aimerait seulement que l’opus nous soit offert sans qu’on ait constamment la sensation d’entendre des excuses, ses actes n’ayant évidemment aucune influence sur la qualité de son talent.
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de la rédaction