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Crédit photo : L-A be et www.bettybonifassi.com
Betty Bonifassi voit certainement l’univers musical comme un laboratoire qui lui permet toute la latitude dont elle a envie et, avec la voix qu’on lui connaît, elle peut aisément se permettre tout ce qu’elle souhaite. Si l’on peut être tenté de l’associer à des rythmes plus dansants compte tenu de ses quelques escapades dans un registre plus électro, lorsqu’elle est avec DJ Champion, ou encore avec Jean-Phi Goncalves avec Beast notamment, c’est davantage au jazz qu’on pense lorsqu’on a son nom en tête. Toutefois, dans ce qu’on perçoit comme étant un désir d’explorer de nouveaux horizons, c’est avec un bonheur inattendu qu’on se surprend à y découvrir une incursion envoûtante dans l’univers du blues, genre qu’elle s’est beaucoup moins approprié jusqu’à présent.
Ce genre dépouillé de tout artifice revient à la racine même de la musique et en livre une sonorité brute qui sait nous attraper jusqu’au fond des tripes. Un style tout ce qu’il y a de plus approprié pour lui permettre de pousser plus loin son travail d’exploration des chants d’esclaves dont elle avait abordé l’essence précédemment. Le titre du nouvel album, on le doit d’ailleurs à Alain Lomax, le célèbre ethnomusicologue qui est au centre de son projet musical qui ne cesse de fasciner, et ce, alors qu’elle revisite ici en quasi-totalité son album homonyme lancé il y a moins de deux ans.
Son association avec le guitariste Jesse Mac Cormack, avec qui elle a enregistré et produit en tandem l’album, en plus de lui permettre d’être responsable des arrangements, est certes notable. Il apporte un souffle unique à l’ensemble, qui n’hésite pas à s’enfuir dans des jams qui laissent présager tout un délire lorsque les pièces seront libérées sur scène. On le réalise notamment sur la langoureuse «No More My Lawrds» et la tout autant géniale qu’hypnotisante «Old Hannah», qui n’ont décidément rien à envier à leurs versions antérieures.
Au niveau des paroles, on reconnaîtra la majorité d’entre elles, dont celles de «Rosie», qui évoqueront avec surprise autant Nina Simone que «Be My Woman» du groupe Plaster. Par contre, c’est dans ses surprises que le disque se montrera le plus marquant. Ainsi, si toutes les pièces valent leur pesant d’or, on craquera incontestablement pour l’accrocheuse «I Don’t Do Nobody», mais surtout pour «Linin’ Track (Traditional)», aussi irrésistible qu’auréolée d’une indispensable chaleur qui fait espérer les nuits d’été caniculaires à se balancer sur son balcon.
Lomax est donc à l’image de l’inspiration derrière le titre et continue de développer avec panache un travail ambitieux qui a tout pour faire honneur à des années de recherches et d’archivage. Avec sa musique qui colle à la peau, Betty Bonifassi offre plus qu’un album qui séduit instantanément; elle met en place une œuvre qui fait honneur au passé tout en donnant une raison de marquer le présent et les années à venir.
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de la rédaction