«Atrocity Exhibition» de Danny Brown – Bible urbaine

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«Atrocity Exhibition» de Danny Brown

«Atrocity Exhibition» de Danny Brown

Une exhibition qui n'a pas son pareil

Publié le 27 octobre 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : www.facebook.com/xdannyxbrownx

Danny Brown est un bien drôle d’oiseau. Sa musique et son apparence ont quelque chose de particulier: leurs côtés unorthodoxes détonnent, surtout dans le monde du hip-hop. Après avoir livré un des meilleurs albums du genre en 2013 (l’excellent Old), Brown invite ses auditeurs à le suivre dans une zone beaucoup moins confortable avec le saisissant Atrocity Exhibition, nommé en l’honneur d’une chanson de Joy Division (rien de moins), et un roman de J.G. Ballard (encore plus étonnant). La bibitte qu’est Brown aime prendre des risques, ce qui est de plus en plus rare, semble-t-il, dernièrement.

Pour apprécier Danny Brown, il faut être ouvert à l’audace, car son univers est paranoïaque et schizophrène, tant musicalement qu’au niveau des paroles. «Your worst nightmare for me is a normal dream», déclare-t-il, d’entrée de jeu, sur «Downward Spiral», annonçant justement ce qui s’en vient comme étant une spirale descendante aux enfers. À la fin, Brown ne semble heureusement pas s’y rendre complètement, même s’il décide naturellement de marcher sur le bord du précipice.

Il y a aussi le timbre de voix inhabituel de Brown qui puisse irriter certains auditeurs. Sauf que cette voix est le parfait reflet du côté sauvagement débauché de l’artiste. On peut penser à Cypress Hill sur l’acide comme comparatif. Brown est également extrêmement habile pour rapper sur des rythmes complètement hors-normes et exploratoires. Musicalement, c’est de la science-fiction dystopique. Et à l’intérieur, Brown s’y perd totalement, laissant sa santé mentale encaisser tous les chocs. L’image quasi extraterrestre du rapper sur la pochette représente parfaitement ce qui se déroule tout au long du disque.

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Le premier extrait, «When It Rain», est un indicateur de l’ambiance d’Atrocity Exhibition. Brown roule ses rimes à vitesse hallucinante sur une route peu accueillante et peu achalandée. La chanson est absolument enlevante et contagieuse et sera sans doute un des meilleurs single de l’année 2016. «When it rain, when it pour, get your ass on the floor now», lance Brown au refrain, invitant qui que ce soit à le rejoindre sur cette piste de danse sans doute très étrange. Le deuxième extrait, «Pneumonia», ralentit considérablement le rythme, mais est tout aussi sauvage au niveau musical. Au plan sonore, Atrocity Exhibition n’a pas son égal présentement, son côté explorateur et incisif n’ayant rien à envier aux trips noise du Velvet Underground ou bien Sonic Youth.

La plupart des pièces de l’album laissent sans mots. «Ain’t It Funny» est un peu comme recevoir un coup de bâton en pleine gueule, le travail de réalisation de Paul White frôlant la démence. «Tell Me What I Don’t Know» est tout aussi efficace, mais avec beaucoup plus de subtilités, avec Brown changeant complètement de registre vocal, un peu comme Kendrick Lamar peut faire. Parlant de Lamar, il est présent sur l’hypnotique «Really Doe», où Ab-Soul et Earl Sweatshirt participent également aux hostilités. Le rythme très trip hop et la mélodie du glockenspiel répétée en loop permet aux quatre MC d’atteindre des sommets de brillance. Choisissez la pièce que vous voulez sur l’album, elle sera assurément fascinante.

«You ain’t heard it like this before/They don’t do it like this no more», mentionne Danny Brown sur  «When It Rain». Évidemment, il vise très haut avec un album comme Atrocity Exhibition, sauf que l’essence de ce que fait Brown réside dans le risque, caractéristique la plus importante de sa musique. Qu’il arrive à ses fins est probablement futile dans son processus créatif délirant et aliénant, l’important est de saisir cette audace qui l’habite. Et avec cette audace, on va souvent encore plus loin que l’on croyait aller. Atrocity Exhibition représente ce moment où le risque, aussi grand et absurde soit-il, fait naître de grandes richesses.

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