«Les albums sacrés»: les 40 ans de «The Idiot» et de «Lust For Life» d’Iggy Pop – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: les 40 ans de «The Idiot» et de «Lust For Life» d’Iggy Pop

«Les albums sacrés»: les 40 ans de «The Idiot» et de «Lust For Life» d’Iggy Pop

La genèse d’un son sauvage

Publié le 26 octobre 2017 par Isabelle Lareau

Crédit photo : RCA Records et Mick Rock

Iggy Pop fut, spécialement au début de sa carrière, un grand précurseur. Son groupe, The Stooges, est considéré comme étant l’architecte de la musique punk. Et pourtant, son premier disque solo, The Idiot, suivi de Lust For Life, tous deux parus en 1977, n’ont pas impressionné les fans de la première heure. Mais le temps a fait son œuvre et ces deux albums sont maintenant considérés parmi les meilleurs de tous les temps.

James Newell Osterberg voit le jour en 1947 au Michigan. Son fameux surnom, Iggy, provient de l’époque où il était le batteur d’une formation dont il faisait partie au secondaire: Iguanas. Il continue son chemin, fait partie de quelques groupes, commence l’université (qu’il abandonnera rapidement) et déménage à Chicago où il s’intéresse au blues. Le destin le ramène au Michigan; c’est à cet endroit qu’il rencontre les frères Asheton, Ron qui est guitariste, et Scott, qui est batteur. Ron présente le bassiste Dave Alexander au nouveau groupe, nommé Psychedelic Stooges, qui deviendra peu après The Stooges.

Le parrain du punk

Pour sa part, Iggy a déclaré que c’est en voyant Jim Morrison sur scène qu’il a eu une épiphanie. Il a compris quel genre d’artiste il voulait être, réalisant que le côté subversif du chanteur de The Doors était à sa portée lui aussi.

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Crédit photo: Mick Rock

The Stooges, un groupe garage, pave la voie de ce qui allait devenir le punk grâce à trois albums: The Stooges (1969, et qui contient la génialissime «I Want Be Your Dog»), Fun House (1970) avant de se séparer une première fois. Ils se réunissent à nouveau pour enregistrer Raw Power (1973). Cet opus, réalisé par Pop et David Bowie, sonne plutôt amateur (selon mon humble avis). Cependant, c’est sur ce disque que l’on retrouve la classique «Search and Destroy».

Leur son est tout sauf raffiné, il est même lo-fi, et la voix d’Iggy est plutôt aiguë et très criarde. Je crois que c’est l’énergie de la formation qui a plu. Surtout celle de Pop, qui se voit attribuer un surnom plutôt impressionnant: le parrain du punk.

The Stooges se dissout après Raw Power, essentiellement à cause de la consommation d’héroïne du chanteur (le groupe se reformera sans Iggy en 2003). Désemparé, il se rend dans un hôpital psychiatrique pour guérir sa dépendance. Pendant son séjour, un ami le visite…

La période Berlin

Tandis qu’il terminait son traitement, David Bowie lui rendit visite et le convainc de le suivre à Berlin afin de travailler sur de nouvelles chansons. Ils deviennent colocataires (imaginez!)

Les deux artistes écrivent et enregistrent plusieurs morceaux. Le résultat fut ahurissant et les albums créés lors de cette période de créativité incroyable nous ont vraiment touché une corde sensible. The Idiot et Lust For Life, mais aussi des offrandes de Bowie (sans l’aide de Pop cependant); Low (1977), Heroes (1977) et Lodger (1979).

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Lust For Life

«Lust For Life» est devenu un classique, instantanément reconnaissable. Et quelle bonne idée d’avoir inclus ce titre sur la bande originale de Trainspotting (1996)! Bien que la mélodie de la chanson homonyme soit joyeuse et bon enfant, tout comme le titre de la chanson, cela pourrait nous faire croire qu’il s’agît d’une ode à la vie, mais il n’en est rien. En fait, Pop tentait de mettre de l’ordre dans sa vie, et sa dépendance à l’héroïne avait causé une immense cicatrice.

«Turn Blue» laisse transparaître l’amour du chanteur pour la musique blues et «Sixteen», et «Fall in Love with Me» montre un aspect insoupçonné de Pop: le désir d’être aimé.

«The Passenger» était un mystère pour moi: je croyais qu’il exprimait un sentiment de détachement, ou qu’il dépeignait plutôt une émotion du genre âme esseulée et ostracisée, alors qu’il observe avec philosophie le monde qui l’entoure. Et pourtant! Iggy a déclaré en entrevue que cette pièce fait référence au fait que le chanteur n’avait pas de permis de conduire et qu’il était le passager de Bowie.

The Idiot

L’excellente et décontractée «Nightclubbing» et l’effrayante «Funtime» sont de véritables joyaux. Difficile de croire que «China Girl» fut chanté originalement par Pop. David Bowie s’est complètement approprié cette chanson qu’il a co-écrite.

«Dum Boys», un morceau lent et empli d’un étrange brouillard, est parfait pour une fin de soirée, tout comme l’expérimental «Mass Production», qui me fait penser à du Bauhaus…

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Une bête de scène sauvage

Même s’il est associé à l’époque du glam rock, je ne pense pas que ce mouvement décrit son genre si particulier. Le seul trait qu’il partage avec les musiciens de cette ère, selon moi, c’est l’exubérance de son personnage de scène. Je parle ici de sa présence, de son attitude défiante et de son dévouement à offrir un spectacle qui soit brut, prenant et controversé. Pour le style vestimentaire, on peut difficilement s’habiller plus simplement: il porte très souvent une paire de jeans, avec un peu de crayon noir autour des yeux. Un énorme décalage avec les porte-étendards du glam rock; David Bowie, Gary Glitter et New York Dolls, pour qui l’excentricité passait aussi par les costumes.

Mais revenons à sa présence sur scène. Il est intense, enragé et provocateur. Il avance sur la scène, complètement furieux. Et très souvent, s’il portait une veste de cuir, celle-ci était rapidement mise de côté. De plus, il se complait dans la provocation; il était reconnu pour ses frasques, que ce soit de se mutiler à l’aide de morceaux de verre, de sauter dans la foule (stage dive), ou d’exhiber ses parties génitales. Il s’est tout de même assagi avec le temps: il est toujours torse nu, garde (enfin, presque) ses jeans et ne se taillade plus le corps. On dirait que le temps n’a pas d’emprise sur lui: même à 70 ans, il dégage une énergie rarement égalée.

Lors de son spectacle dans le cadre de HEAVY MONTRÉAL en 2015, j’ai été particulièrement charmée par sa ferveur, et ce, même s’il était visiblement blessé à la jambe gauche et qu’il éprouvait une douleur vive.

Sous ses allures de guerrier se cache un homme humble et sympathique: il a pris le temps de saluer de la main, de remercier les spectateurs et de leur envoyer des baisers de la main, tout en prenant soin de parcourir la scène au complet!

J’ai découvert Iggy Pop vers la fin de l’adolescence, je ne peux donc pas affirmer que je suis une admiratrice de la première heure. Mais son énergie primaire et cathartique transcende les décennies. Entre les deux, mon préféré est Lust For Life, non seulement parce qu’il contient deux des meilleures chansons de tous les temps, soit la chanson homonyme et «The Passenger», mais aussi parce qu’il est plus rock et plus irrévérencieux.

Et vous, lequel préférez-vous?

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 16 novembre 2017. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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