«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Reign In Blood» de Slayer – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Reign In Blood» de Slayer

«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Reign In Blood» de Slayer

Terreur extrême

Publié le 13 octobre 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : rockmusictimeline.com

Dans les années 1980, la musique métal subit plusieurs transformations (ou mutations) qui font émerger différents sous-genres parmi son paysage culturel. Parmi ceux-ci, le thrash métal est probablement le plus important et gagnera en popularité au milieu de la décennie. Les quatre groupes y étant associés comme pionniers lancent tous des albums importants lors de cette période: Anthrax fait paraître Spreading the Disease en 1985, Megadeth lance Peace Sells… but Who’s Buying? en 1986 et, encore plus majeur, Metallica réalise la même année le légendaire Master of Puppets. Au même moment, le groupe californien Slayer entre en studio pour enregistrer leur troisième album, qui paraîtra en octobre 1986, le mythique Reign In Blood. Encore aujourd’hui, bon nombre de métalleux citent l’album comme étant l’un des plus importants et influents dans l’univers du métal.

L’album amènera une pluie de controverses. Premier élément, la pochette, avec ses scènes représentant enfer et démembrements, envoya un avertissement à tous les puristes et conservateurs musicaux. Parce qu’il faut se rappeler que Reign In Blood paraît à une époque où la musique rock a encore ce pouvoir essentiel de choquer les gens. Ensuite vient son contenu sonore, complètement tonitruant, qui laisse l’auditeur pratiquement au bout de son sang. Il y a une raison qui explique la durée de l’album, soit un très court 29 minutes: il est difficile de croire que quelqu’un pourrait écouter plus de trente minutes de cette merveilleuse brutalité musicale. Ça, et aussi le fait que les membres de Slayer avaient pour but de jouer leurs instruments de manière la plus rapide humainement possible. La mission fut accomplie avec franc succès.

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Fait très curieux: c’est Rick Rubin, cofondateur de Def Jam Records, qui signe le groupe sur son étiquette et qui réalisera le troisième disque de Slayer. À l’époque, Def Jam est surtout orientée vers le hip-hop, avec des groupes tels Run-DMC et les Beastie Boys faisant un tabac sur les palmarès. L’étiquette a donc le vent dans les voiles et ce succès est en partie dû au fait qu’elle prend des risques avec des groupes au contenu plus abrasif provenant de mouvements encore marginaux aux États-Unis. Si Rubin décide de signer le groupe hip-hop Public Enemy, pourquoi ne pas signer son équivalent métal en Slayer? D’ailleurs, les riffs de guitare de Kerry King seront utilisés dans «No Sleep till Brooklyn» et pour «She Watch Channel Zero», de Public Enemy.

D’entrée de jeu, l’album sème la terreur. En effet, difficile d’être indifférent face à «Angel of Death», portrait de Josef Mengele, officier/médecin allemand qui participa au gazage des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale: «Auschwitz, the meaning of pain / The way that I want you to die / Slow death, immense decay». Les accusations de nazisme et de satanisme furent immédiates. L’explication de Tom Araya, chanteur et bassiste du groupe? La chanson est très graphique, soit, mais il s’agit d’une observation et non d’une chanson qui glorifie les actes de Mengele. Les gens réalisent des films à propos de l’holocauste alors pourquoi ne devrait-on pas écrire des chansons sur le même sujet? Nul besoin de mentionner que CBS et Warner Brothers, les deux distributeurs de l’album aux États-Unis et en Angleterre, ont décidé d’abandonner la distribution.

Les huit chansons suivantes sont probablement l’équivalent musical de regarder The Texas Chainsaw Massacre en vitesse rapide: impitoyable, brutal et inquiétant. «Piece by Piece» semble être à propos d’un tueur en série, thème souvent exploité par Slayer, et de cannibalisme. «Necrophobic» traite de façon très imagée de la mort et «Criminally Insane» revient sur la folie d’un tueur en série. La tranchante «Jesus Saves» critique sévèrement les normes et dogmes de la religion. Aucune de ces pièces ne dépasse le cap du trois minutes, Slayer s’inspirant de la vitesse et de l’énergie du punk hardcore en le mélangeant avec les prouesses techniques et la précision chirurgicale du métal. On parle ici de musique très extrême, glorieusement féroce et cruelle, jouée à la vitesse de la lumière.

Les deux dernières chansons ralentissent (si peu) le tempo. «Postmortem» est tout aussi pesante que ce qui précède, Kerry King et Jeff Hanneman s’échangeant solo après solo pour le simple plaisir de faire mal aux oreilles de toute personne ayant osé s’aventurer aussi loin dans Reign In Blood. La cacophonie laisse place à la pluie et à un riff  de guitare monstrueux pour la finale, l’épique et fantastique «Raining Blood». La chanson est un classique du genre et le groupe ne peut se permettre d’omettre de la jouer lors de ses spectacles. Il s’agit d’un dénouement parfait pour un album dont le principal trait de caractère est nul doute la folie.

Trente ans plus tard, il est encore plus évident de comprendre pourquoi et jusqu’à quel point Reign In Blood a fait peur à bien des gens en 1986. Muni de chansons lourdes qui frappent plus fortes et plus vite que l’éclair, agrémentées de paroles morbides à faire grincer des dents le plus dur à cuire des durs à cuire, l’album demeure encore aujourd’hui une écoute délirante. L’opus fera aussi plusieurs petits, une multitude de groupes thrash métal et death métal tentant de suivre le même chemin de l’apocalypse que leurs héros. Les cœurs sensibles doivent évidemment encore s’abstenir (même si Tori Amos a fait une reprise inexplicable de «Raining Blood»), et, pour les autres, il est toujours possible de retourner à Reign In Blood et d’y subir les plus infernales tortures auditives.

Comme tout ça est rassurant.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 27 octobre 2016. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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