«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Give Me Convenance or Give Me Death de Dead» de Dead Kennedys – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Give Me Convenance or Give Me Death de Dead» de Dead Kennedys

«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Give Me Convenance or Give Me Death de Dead» de Dead Kennedys

Tout sauf la complaisance

Publié le 31 août 2017 par Isabelle Lareau

Crédit photo : www.deadkennedys.com

Habituellement, dans le cadre de la chronique Les albums sacrés, on se remémore un disque marquant de l’histoire de la musique. Cette fois-ci, je déroge un peu de la ligne de conduite que Mathieu St-Hilaire et moi-même nous sommes fixés, afin de vous parler d’une compilation. Soyons rebelles! Et cela ne pourrait pas mieux tomber: nous revisiterons ensemble l’un des groupes punk pour qui la philosophie anarchiste était plus importante que la musique.

Le groupe hardcore a vu le jour à San Francisco en 1978 après que le batteur East Bay Ray plaça une annonce dans un journal afin de recruter des musiciens pour fonder un groupe.

C’est ainsi que le chanteur Jello Biafra (Eric Boucher) et le bassiste Klaus Flouride joignirent la formation, tout comme le batteur Ted, qui a quitté deux ans plus tard et qui sera remplacé par Darren H. Peligro).

Pendant quelques mois, le guitariste 6025 était également un membre de la formation. Par ailleurs, c’est à lui que l’on doit «Short Songs» et l’excellente «Straight A’s», qui explore avec précision l’intimidation.

Quatre albums et un maxi constituent la discographie de Dead Kennedys, qui se dissoudra en 1986. Il semble que le stress engendré par la poursuite contre eux pour obscénité (la pochette intérieure de Frankenchrist (1985) contient l’œuvre Penis Landscape du peintre H. R. Giger) et une désillusion face à la scène punk des années 80 eurent raison du groupe.

L’année suivante, Biafra fait paraître sur son étiquette Alternative Tentacles la compilation Give Me Convenance or Give Me Death, qui renferme certains des succès de la formation ainsi que des chansons inédites. Le groupe se reforma en 2001, mais sans son chanteur et principal parolier. Plusieurs problèmes légaux très publics à propos des droits d’auteur surgirent entre Biafra et les autres membres (Dead Kennedys se vit accorder un dédommagement ainsi que la restitution de leurs droits). Par ailleurs, le quatuor n’a pas lancé de nouvel album depuis.

Controverses assumées et temps modernes

Je crois que lorsque l’on parle des Dead Kennedys, on ne peut les dissocier de Jello Biafra, ce personnage incroyable. Il est l’âme du groupe, et ce, sans contredit. À mon sens, il est Dead Kennedys. Anarchiste et gauchiste, il a dans sa mire les politiciens de la droite et ceux qui ont un agenda basé sur le christianisme. Ses paroles dépeignent le climat politique de l’époque; l’ère Reagan, la censure, la montée du néonazisme… Thèmes qui sont, malheureusement, encore d’actualité.

Et cela n’a pas échappé à Biafra. Il a modifié et rebaptisé «Nazi Punks Fuck Off»; ce titre est ainsi devenu «Nazi Trumps Fuck Off», qu’il a chanté sur scène avec Napalm Death et Dead Cross. Ce n’est pas la seule chanson qui résonne avec l’actualité. «Police Truck» parle de policiers au comportement ignoble qui s’en tirent sans égratignure.

«California Über Alles» est une attaque directe à l’encontre de Jerry Brown, le gouverneur de la Californie; il lui prête de très mauvaises intentions et le personnifie pour les besoins de la chanson, dont les paroles sont lugubres: («I will be Führer one day / I will command all of you»). Il va même plus loin et évoque, carrément, 1984 de George Orwell : («Now it is 1984 / Knock-knock at your front door / It’s the suede denim secret police / They have come for your uncool niece») ainsi que l’holocauste («Come quietly to the camp / You’d look nice as a drawstring lamp / Don’t you worry, it’s only a shower / For your clothes, here’s a pretty flower»). Fidèle à lui-même, il a revisité ce morceau lorsqu’Arnold Schwarzenegger fut élu gouverneur, s’intitulant pour l’occasion: «Kali-Fornia Über Alles 21st Century».

Dead Kennedys reprend «I Fought The Law» (une reprise de Sonny Curtis of the Crickets), mais, bien sûr, Jello réécrit certaines des paroles afin d’évoquer les meurtres de George Moscone (maire) et Harvey Milk (activiste LGBTQ et fonctionnaire), dont le coupable, Dan White, un fonctionnaire et ancien policier. Ce dernier a réussi à alléger sa sentence en plaidant que ses capacités mentales étaient affaiblies par une grave dépression (aggravée par une mauvaise alimentation), un argument peu convaincant aux yeux de Biafra, qui parle encore ici au je: «(…) I fought the law and I won / I’m the new folk hero of the Ku Klux Klan / My cop friend thinks it’s fun / You can get away with murder if you got a badge». Plus ça change, plus c’est pareil.

Un héritage riche en musique et en attitude

L’irrévérencieuse «Pull My Strings» est une critique de l’industrie plutôt vulgaire mais drôlement délicieuse. «Holiday in Cambodia» est un commentaire social à propos de la jeunesse éduquée et privilégiée de l’Amérique qui croit comprendre la réalité des groupes ethniques. Et c’est également l’une de leurs meilleures chansons, et aussi l’une des préférées de Jello. Personnellement, j’aime vraiment le titre  «Too Drunk To Fuck», grossier et amusant mais surtout très entraînant.

Les Dead Kennedys ont certainement l’esprit anarchiste, un peu comme les Sex Pistols, mais ils ont une plus grande profondeur à la The Clash. En fait, ils sont des activistes avant tout et ont permis à des groupes comme Rage Against the Machine d’emprunter le chemin de l’activisme par le biais de la musique.

La voix nasillarde et perçante de Jello a un aspect très engageant. Mais c’est son énergie inépuisable et le feu sacré qui l’habite qui font de lui un artiste à part. Il possède un ton contestataire bien affirmé et dénonce les injustices sans avoir peur d’écorcher qui que ce soit au passage. Il est ultra politisé et s’indigne devant l’apathie. Son timbre a un petit je ne sais quoi, quelque chose qui nous envahit et nous donne l’impression de faire partie de Dead Kennedys, nous aussi. On ressent les frustrations de Biafra et on hoche de la tête en signe d’approbation des paroles, qui sont TRÈS satiriques, absurdes et insolentes. Le rythme est rapide et très brut, et ce, sans laisser de côté la mélodie, gracieuseté du guitariste East Bay Ray qui puise ses influences dans la musique surf et rockabilly.

Bien que peu connue des radios commerciales, la formation a tout de même un statut de culte auprès des fans de punk et de hardcore. De plus, elle a influencé plusieurs géants de la musique: Bad Religion, Descendents,  Faith No More, Green Day, Rage Against the Machine, Screeching Weasel, Sepultura…

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Et si vous pensez que Biafra s’est assagi avec les années, je vous invite à consulter ses capsules What Would Jello Do sur YouTube, où il exprime sa colère à propos de sujets qui lui tienne à cœur, notamment la politique. Je dois dire qu’il est l’un de mes artistes préférés, j’aime beaucoup son franc-parler. En fait, il est sur mon top 5 des musiciens que j’aimerais interviewer. Je crois que je lui demanderais de m’inviter chez lui afin qu’il me parle (et me montre) de son immense collection de disques… Ou encore je dirais simplement: «Bonjour, M. Biafra, comment allez-vous?» et je le laisserais parler!

Et vous, si vous pouviez l’interroger, quelle question lui poseriez-vous?

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 14 septembre 2017. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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