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Yann Perreau nous offre ici une magnifique suite à son album Un serpent dans les fleurs. C’est avec toute sa fougue qu’on lui connaît que celui-ci s’est entouré des femmes les plus en vue du Québec pour créer un album qui n’en laissera pas un de glace.
C’est suite à une rencontre avec le poète Claude Péloquin dans un vernissage que Yann Perreau s’est approprié les textes que ce dernier lui a envoyé par la poste. Péloquin avait écrit une tonne de chansons pour Perreau et c’est sur À genoux dans le désir que nous avons le plaisir et le privilège de découvrir ces petites mines d’or. Pour mener ce projet à terme, Yann Perreau s’est donc entouré entre autres de Catherine Major, Eleni Mandell, Marie-Pierre Arthur, Salomé Leclerc, avec qui il nous présente dix pièces plus magnifiques les unes que les autres. Et, malgré la courte durée de l’album (seulement 37 minutes), À genoux dans le désir est une œuvre incontournable en ce début d’automne.
La réalisation de l’album a été confiée à son interprète, soit Yann Perreau, et à son ami François Chauvette. On sent que Perreau est en parfait contrôle de sa réalisation, car celle-ci est uniforme tout en étant éclatée et diversifiée. Certaines chansons nous feront danser, tandis que d’autres nous feront pleurer, mais la majorité nous feront surtout réfléchir.
Les textes de Claude Péloquin sont bruts, poétiques et emplis de métaphores et d’allégories justes et fortes. Péloquin a une plume franche et sincère qui met les bons mots sur les vrais maux. Sur «Ce sourire qui ne ment pas», le poète, chanté par Perreau, nous demande pourquoi il est si difficile de vivre à deux dans une société où notre nombril est roi: «Dis-moi pourquoi sommes-nous si peu à être si bien? Dis-moi pourquoi est-ce si rare d’être deux par deux comme les oiseaux?» La transparence et la véracité de ce texte est à couper le souffle quand on sait qu’aujourd’hui il est difficile de tisser des liens avec notre voisin et que l’homme a une peur bleue des relations dites humaines.
En réunissant plusieurs voix féminines du Québec sur un seul album, le défi était de donner à chacune sa juste place et sa juste valeur. On ne voulait pas d’un album de duos, mais plutôt d’un album de collaborations, et c’est ce qui nous a été offerts. Chacune des neuf interprètes féminines prend toute la place qui lui est attribuée sur sa chanson. Par exemple, sur «Le cœur à des dents», on rencontre une Lisa LeBlanc plus effacée qu’à l’habitude, où sa voix a plutôt une présence fantomatique. Pour ce qui est d’Ariane Moffatt (sur la chanson «Merci la vie !»), nous avons droit à une collaboration qui se rapproche un peu plus du duo, alors que les deux voix se mêlent à merveille. Et puis, il y a aussi «L’acrobate de l’éternité», qui est un succès en soi, de par sa sonorité estivale, ses claps et ses sifflements.
L’accord entre les voix féminines et celle de Perreau a aussi apporté une couleur différente pour chaque interprétation d‘À genoux dans le désir. Ainsi, pour une chanson faite en collaboration avec Ines Talbi et Queen Ka, nous avons droit à des arrangements musicaux beaucoup plus rythmés et funky qu’à l’habitude. Pour Salomé Leclerc, on nous offre des arrangements hyper épurés qui donne toute la place aux voix et au texte. Et d’ailleurs, c’est à Claude Péloquin lui-même qu’est revenu le privilège de clore cet opus avec la chanson «Au bord du petit lac avec femme fontaine». Avec sa voix grave et son ton posé, Péloquin ramène notre oreille à ce qui est essentiel, soit le texte et toute sa poésie. D’ailleurs, celui-ci viendra pimenter la finale de «Merci la vie!» avec une phrase qui résume en tout point l’album de Yann Perreau: «Si cette chanson existe, c’est à cause de la brillance de nos visages.»
Appréciation: ****
Crédit photo: Bonsound Records
Écrit par: Laurence Lebel