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Crédit photo : Michel Lafon
Therese Anne Fowler a décidé d’adopter le regard de la seconde moitié, celle qui a joué l’ombre de son mari toute sa vie durant, en donnant un second souffle à l’histoire tragique d’un couple qui avait jusqu’alors tout pour réussir. Femme entreprenante, femme de passion et femme d’envergure, Zelda Sayre, jadis une adolescente de 17 ans issue de la bourgeoisie sud-américaine, n’aurait jamais pensé qu’en quittant la maison familiale, sa vie deviendrait un tel enfer. Va savoir ce qu’elle aurait pu devenir si elle n’avait été séduite, au lendemain de la Première Guerre mondiale, par ce militaire entreprenant qui embrassait déjà une carrière littéraire, c’est-à-dire une promesse d’un avenir instable et précaire. Outre le fait que son père, le juge Anthony Sayre, n’ait jamais été épris d’affection pour ce jeune homme qu’il qualifiait de «frivole», Zelda s’est prêtée au jeu du risque en quittant le cocon familial pour voir du pays et vivre l’aventure avec l’amour de sa vie.
Certes, il est impossible de prévoir jusqu’à quel point la fiction sert l’histoire dans ce roman vibrant de réalisme, mais une chose est sûre, Z – Le roman de Zelda est probablement l’une des histoires d’amour les plus saisissantes et passionnantes du XXe siècle. Avec tous ces faits qui détaillent bien les étapes charnières de leur vie, tous ces hauts et ces bas qui pimentent chacune des cinq parties qui composent le squelette de ce roman, il est difficile de mettre de côté cette tragédie pour aller vaquer à notre quotidien qui est de loin aussi glamour. Bercé par une voix narrative sensible, une espèce de copie couleur d’Emma Bovary de Gustave Flaubert, Zelda Sayre, devenue Zelda Fitzgerald après son mariage, le roman offre la version féminine de cette histoire qui aurait été tout autre si elle avait été racontée par Scott Fitzgerald lui-même.
La vision de Zelda nous laisse à entrevoir un homme confiant, certes impécunieux, mais convaincu d’être né pour devenir l’un des écrivains les plus influents de son temps, ce qu’il est devenu par la force des choses. Malgré ses décisions impulsives, son penchant pour l’alcool et les soirées mondaines et son affection pour Ernest Hemingway, il a toujours été présent pour veiller sur sa femme, du moins lorsqu’il était à jeun et que ses romans ou nouvelles se vendaient à profit. Scott Fitzgerald, celui qui a connu le succès entre autres grâce à son roman Gatbsy, est bien entendu décrit comme un être impulsif qui a nui à l’épanouissement de sa femme et qui a toujours été un frein dans son désir d’entreprendre des projets personnels tels que l’écriture, la danse ou la peinture. Il ne faut par contre jamais oublier que c’est l’auteure qui a joué avec les détails de leur vie, comme un marionnettiste manipule les ficelles de ses marionnettes, ajoutant ici et là une couche de fiction pour rendre son protagoniste plus attachant et plus vrai que nature.
S’il y a donc un unique bémol à adresser à ce roman de plus de 400 pages, c’est qu’il offre uniquement la voix narrative de l’un des deux piliers du couple Fitzgerald, c’est-à-dire celle de Zelda Fitzgerald. Avec seulement quelques échanges épistolaires adressés à Mama ou son amie Sara, la plume de celle qui a connu une fin aussi tragique que son mari dépeint le portrait d’un homme influent, mais peu recommandable. Seulement, où est située la frontière entre la fiction et la réalité? Francis Scott Fitzgerald était-il réellement ce mari ingrat qui a toujours eu à cœur son propre succès à celui de son épouse qu’il souhaitait à ses côtés, en bonne épouse docile? Nul ne le saura jamais, mais on prend néanmoins un plaisir évident à déguster cette version des faits.
*Les Parisiens seront peut-être heureux d’apprendre que le metteur en scène Renaud Meyer a écrit et mis en scène la pièce «Scott et Zelda», qu’il présentera sur les planches du Théâtre La Bruyère, à Paris, du 3 septembre 2013 au 4 janvier 2014. Pour plus d’info, consultez notre annonce de la pièce.
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