«Un été d’amour et de cendres» d’Aline Apostolska: coup de foudre au sommet de l’Himalaya

Aline Apostolska est établie à Montréal depuis 1998. Écrivaine, historienne de formation, journaliste culturelle, éditrice, enseignante, productrice de spectacles, animatrice et chroniqueuse à la radio et à la télévision, cette touche-à-tout a également fait paraître trente livres pour les adultes et les jeunes. Son nouveau roman, Un été d’amour et de cendres, relate l’histoire d’amour poétique et touchante d’Emma et de Tenzin, un orphelin tibétain.

«Lorsque je le vis, au fond de la cour, sous une pluie battante qui se déversait en trombe depuis deux jours, je m’aperçus que le ciel était en fait de la couleur de son regard. Charbon délavé. Tenzin était livide malgré son teint mat, les joues creuses, un pli sur le front entre les sourcils, toute la misère du monde dans ses yeux brillants comme s’il avait pleuré ou allait pleurer, là, au milieu de tous. Désespéré.»

Emma a 15 ans lorsqu’elle s’envole pour Dharamsala en compagnie de ses parents Gilles et Sylvianne. La jeune adolescente, accoutumée à parcourir le monde afin de satisfaire la soif de découvertes de ses géniteurs, n’a plus de difficulté, à ce jour, à quitter le cocon familial. Dès son arrivée en Inde, Emma fait la rencontre de Tenzin, un jeune Tibétain de 19 ans, dont elle tombera littéralement sous le charme. Hélas!, les deux adolescents doivent se soumettre aux limites imposées par le langage corporel puisque Tenzin ne parle ni français ni anglais. Mais, malgré les barrières de la communication, Tenzin ne tardera pas à occuper le centre de son esprit, et bientôt, Mathieu, sa petite amourette du moment, ne deviendra plus qu’un souvenir évanescent. Au fil des jours, Tenzin est de plus en plus distant avec Emma et le jeune homme semble même camoufler un drame intérieur bouillonnant. Mais comment Emma peut-elle attiser sa douleur si elle ne peut lui parler? La jeune adolescente, au fil de son séjour, est quotidiennement frappée par la tristesse, la résignation et la violence qui règnent auprès d’un peuple ayant toujours été, pourtant, pacifique et paisible. Quel secret lourd de conséquences renferme le cœur de Tenzin?

Un été d’amour et de cendres est un roman qui alterne le drame réaliste et le récit informatif. Ici et là, Aline Apostolska dynamise la poésie de son récit en expliquant avec force détails les évènements ayant poussé les Tibétains à quitter leur terre sainte lors de l’invasion chinoise massive ayant eu lieu en 1950, puis jusqu’à leur situation tragique actuelle, alors qu’ils vivent pauvrement, exilés et méprisés par les Indiens. Histoire touchante et prenante, qui l’est d’autant plus étant donné que l’auteure a séjourné parmi les Tibétains à Dharamsala en 1997, un peu comme l’avait fait Émile Zola, fondateur du naturalisme, en côtoyant au XIX^e siècle les mineurs qui allaient devenir les héros du drame historique Germinal. Chaque époque et chaque société renferme son lot de guerres, d’invasions et de drames violents, mais la situation actuelle des Tibétains demeure un peu trop terrée, pour nous Occidentaux, dans l’ombre de l’ignorance. Et c’est pour rendre un hommage à Tenzin et à sa communauté qu’Aline Apostolska a écrit ce terrible drame, beau comme le sourire d’un enfant.

Aline Apostolska livre ici un roman d’amour percutant destiné autant aux adolescents qu’aux adultes en soif de savoir. L’information est certes assez dense, mais la qualité du récit et la magie entourant la relation entre Emma et Tenzin aident énormément à distiller l’information au fil des pages. Roman d’apprentissage, puisque les personnages vivent de réelles prises de conscience, Un été d’amour et de cendres est aussi la lecture idéale pour ceux qui désirent ouvrir grand les yeux sur une triste réalité dont on ne peut, hélas!, changer le cours.

«Un été d’amour et de cendres»
Leméac Éditeur
263 pages

Appréciation: ****

Crédit photo: Leméac Éditeur

Écrit par: Éric Dumais