LittératureRomans québécois
Crédit photo : Triptyque
Certaines nouvelles sont assez énigmatiques et se déroulent dans une atmosphère étrange, proche du rêve. Ceci est particulièrement vrai pour le texte «Où tout a commencé» qui ouvre le recueil. Écrite à la deuxième personne du singulier, cette nouvelle semble interpeller directement le lecteur, l’invitant à entrer de plein pied dans un récit qui reste ambigu jusqu’au dernier paragraphe, le dernier morceau du puzzle.
Dans les nouvelles suivantes, l’écrivaine enchaîne des thèmes graves tels que la rupture du couple, la maladie, le vieillissement, les rancœurs familiales, mais aussi l’amour inconditionnel. Si beaucoup de personnages tombent du fil, certains relèvent la tête et parviennent à garder leur équilibre. Les nouvelles qui nous ont le plus touchés sont celles-là, les plus positives (ce qui n’exclut pas la détresse psychologique): «Hommage à Rosa Luxemburg», «L’homme au lac» et «Oublier Mathis», mais surtout, la plus forte du recueil, «Forcer l’éternité».
L’écriture très discrète de Maude Déry, sans artifices et subtilement imagée, permet de dépasser les apparences. Ainsi, l’amour de Fred pour son père transparaît dans «L’homme au lac»: «J’l’assois dans son fauteuil préféré. “J’vais te chercher des bas chauds. T’es resté nu-pieds tout ce temps, tu te rends compte? Quand je pense que la préposée l’a même pas remarqué.” J’m’accroupis et lui enfile ses bas de laine, en faisant exprès pour prendre mon temps.» (p. 62)
Maude Déry démontre dans ce recueil une écriture très maîtrisée et aborde des sujets douloureux. Chaque nouvelle nous fait pénétrer dans les méandres de la vie intérieure de personnages qui «se débattent dans leurs souffrances». Une lecture exigeante qui fait appel à l’empathie du lecteur et suscite de fortes émotions.
«Sur le fil» de Maude Déry, Éditions Triptyque, 2013, 103 pages, 18 $.
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