«Sur la 132» de Gabriel Anctil – Bible urbaine

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«Sur la 132» de Gabriel Anctil

«Sur la 132» de Gabriel Anctil

Un exil langagier qui divertit!

Publié le 14 août 2013 par Sandra Felteau

Crédit photo : Héliotrope

Disponible depuis mai 2013 en format poche, Sur la 132 de Gabriel Anctil (publié aux éditions Héliotrope) a connu un accueil critique très favorable. Un premier roman qui déjoue les idées reçues propres aux romans d’apprentissage traditionnels, mais aussi celles que l’on associe à l’exil en général. Si le résumé attire au départ les lecteurs de Guillaume Vigneault par la ressemblance des protagonistes et de la quête qu’ils poursuivent, on frappe rapidement un mur langagier: Gabriel Anctil a une voix unique, beaucoup plus rauque et moins soignée que son contemporain, mais on ne l’apprécie pas moins pour autant!

Théo, 30 ans, connaît un dur réveil lorsqu’il se lève étourdi de sa soirée d’anniversaire. D’un seul coup, tout ce qui l’entoure le répugne: son emploi de rêve dans la plus grande agence de pub du Québec, sa copine jet-set au corps de déesse et même son condo dans un quartier huppé de Montréal. Pris d’une nausée incontrôlable et du désir de tout abandonner, Théo prend la plus grande décision de sa vie et loue une petite maison dans un village tout près de Trois-Pistoles, à plus de cinq heures de Montréal. Pour lui, qui n’était jamais allé plus loin que Québec, cet exil est un très grand pas! Ne sachant pas trop ce qu’il cherche à Trois-Pistoles, Théo se rend dans la ville où ses ancêtres sont nés avec l’espoir de relier son existence avec celle de son grand-père, qui lui avait au contraire quitté la région pour Montréal quelques décennies plus tôt.

On s’attend à ce que la révélation de Théo vienne des grands espaces, des bouffées d’air frais et de l’immensité de la nature qui l’entoure; ces éléments ne le laissent pas indifférent, mais ce qui le frappe véritablement, ce sont les gens et la proximité qui les relie. Marqué par l’accueil chaleureux de certains, Théo est aussi extrêmement déstabilisé par les commérages qui évoluent à son sujet par les vieilles commères du centre commercial: a-t-il été envoyé à St-Simon par le gouvernement pour prendre des décisions importantes sur l’avenir du village, tel un agent secret qui chercherait des raisons et des preuves pour faire fermer la municipalité? Évidemment, dans un petit village comme St-Simon, un jeune étranger qui arrive en voiture de luxe en pleine saison morte ne passe pas inaperçu.

Très vivant, ce roman est plus souvent qu’autrement agrémenté de dialogues qui nous font sourire et parfois même nous esclaffer. Si le fait de bien décrire les éléments de décors et la psychologie des personnages font partie des grandes qualités d’un écrivain, on peut dire que l’expertise de Gabriel Anctil est de maîtriser l’art des dialogues, tant par le ton unique qu’il confère à chacun de ses personnages qu’à la fluidité générale des conversations, souvent très réalistes et cocasses.

On apprécie également le fait que cet exil en région n’est jamais idéalisé comme c’est souvent le cas dans d’autres romans du même type. D’ailleurs, on présume que Théo s’attendait justement à trouver en campagne une sorte d’illumination, alors que ses journées se résument finalement à boire de la «50 tablette» et à discuter avec ses voisins, ce qui lui fait à long terme le plus grand bien puisqu’il cherchait justement à faire le contraire de la vie qu’il menait à Montréal. Par contre, on finit par devenir blasé de tout l’alcool ingéré par le narrateur, qui plus souvent qu’autrement entre dans la déchéance quotidienne des habitants de Trois-Pistoles, étant pour la plupart sur l’aide sociale pendant la période creuse du tourisme. On apprécie le réalisme et le désir de dresser un portrait non-idéalisé des régions, mais rendu au cap des 400 pages, on se lasse un peu.

Globalement, Sur la 132 est un roman très agréable à lire, surtout pour les amateurs de dialogues et du langage familier québécois. Gabriel Anctil a réussi à pondre un livre qui s’éloigne des stéréotypes et qui se démarque dans la production romanesque actuelle. Par ailleurs, on a l’impression que le livre est légèrement inachevé et que la fin n’en est pas réellement une. On se doute que le désir de ne pas entrer dans les clichés des romans d’apprentissage y est pour quelque chose, mais le lecteur qui désire boucler l’histoire reste quelque peu affamé.

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