LittératureRomans québécois
Crédit photo : Éditions Alto
Mais tout cela ne nous est pas expliqué d’emblée. On le comprend graduellement, même si on est d’abord un peu incertains du véritable sort d’Angèle, qui n’est pas clairement énoncé (et c’est pour le mieux!) Par la plume de Christine Eddie, inspirée par une femme de son entourage victime du «locked-in syndrome», se dessine une histoire touchante où les drames (bel et bien présents) cèdent souvent leur place aux petits miracles de la vie, ceux qui ne se perçoivent que si l’on se donne la peine de les remarquer.
Guidée par les mots d’Angèle, choisis et épelés patiemment avec ses yeux, l’auteure tente de reconstituer les pensées possibles de son personnage, sans pour autant présumer tout savoir, tout raconter. Ailes, destin, embellie, sourdine, colère, force… tant de facettes de la nouvelle vie de «l’infortunée» où cohabitent inconfort et reconnaissance, bonheur et malheur. Tout comme Angèle qui souhaite que son livre ne finisse jamais, qui ne peut se soumettre à choisir un dernier mot, d’autres mots se sont greffés à notre interprétation du texte après notre lecture.
Imaginaire. Confinée dans ses pensées, Angèle n’a pas le choix de s’évader et de se développer un monde à elle. C’est pourquoi Népenthès apparaît, un être à la forme imprécise avec qui elle communique lorsqu’il veut bien se manifester. L’écriture de Christine Eddie est une écriture des petits détails, décrits de manière naïve, parfois enfantine, mais extrêmement lucide et lumineuse.
Détails. En faisant d’Angèle une personne qui porte une attention particulière aux dates et aux chiffres, elle se permet de mettre en parallèle des petites fenêtres sur les vies de deux personnes à la fois, au même moment, mais à des endroits différents. C’est alors qu’apparaît Anne Hébert, née 58 ans plus tôt qu’Angèle, imaginée au jour de la naissance de cette dernière, alors qu’elle se fait déranger par des souhaits d’anniversaire à son appartement parisien où elle tente d’écrire Les Enfants du sabbat. Quelques clins d’œil à la Jean-Pierre Jeunet qui plairont à plus d’un.
Patience. Beaucoup de patience pour arriver à vivre avec ne serait-ce qu’une lueur d’espoir. Beaucoup de patience pour épeler des mots en clignant de l’œil devant un «a», un «e», un «s», récités par un ami ou un membre du personnel médical.
Amitié. On n’oubliera pas Doris, l’infirmière préférée d’Angèle, en qui elle se reconnaît énormément (elles sont du même âge). Elle écoute avec empressement ses anecdotes et bricole avec elle un plan pour réconcilier les deux sœurs McLaughlin, soit d’ameuter des musiciens dans la salle principale pour un concert.
Un livre d’une petite taille, mais d’une portée immense, où l’on choisit à la fin de pencher du côté de l’espoir – ou non. Gageons que vous prendrez le pari d’y croire!
L'avis
de la rédaction