«Sexe chronique» de Geneviève Drolet: le corps comme objet de consommation – Bible urbaine

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«Sexe chronique» de Geneviève Drolet: le corps comme objet de consommation

«Sexe chronique» de Geneviève Drolet: le corps comme objet de consommation

Publié le 30 janvier 2012 par Éric Dumais

Originaire de Québec, Geneviève Drolet est une artiste de cirque âgée de 27 ans et auteure de Sexe chronique, le  49e roman publié aux éditions Coups de tête. La jeune équilibriste, qui compte déjà 12 ans d’expérience dans le domaine (Cirque Éos, Éloïze et Les 7 doigts de la main), a subtilement glissé dans la peau de Kira pendant trois mois, temps record alloué à la rédaction de sa première autofiction.

Le roman Sexe chronique n’est peut-être pas une œuvre entièrement réaliste, puisque Kira n’est qu’un personnage inventé de toutes pièces, mais Geneviève Drolet a quand même trouvé le moyen de s’immiscer à l’intérieur des pores de peau de son protagoniste afin de partager la vie tumultueuse d’une artiste de cirque aux sentiments contradictoires.

«Je suis un objet, un bien de consommation. Une fente infinie, une cavité sanguinolente. Le fantôme d’une femme. Je suis une étreinte, un étau grinçant; je suis une convulsion, un fluide, un contenant. La certitude d’un néant. Je suis une artère bouchée, un canal dilaté. J’aimerais être une femme. J’aimerais être.» 

Kira est une jeune femme attachante, une artiste de cirque, une acrobate, un corps dansant et expressif en plein contrôle de ses émotions et de ses mouvements, ou presque. En réalité, Kira n’est pas très douée pour la stabilité, la constance et l’équilibre. Sa vie sentimentale et sexuelle évolue au gré des péripéties de son quotidien et oscille invariablement dans un équilibre précaire, comme un funambule déstabilisé du haut des airs par le vertige. Et que dire de sa vie sociale à part qu’elle semble en apparence saine? En effet, autour d’elle évolue un microcosme d’artistes hétéroclites, comme Oli, avec qui elle baise ici et là sans réel attachement; Gab, sa meilleure amie, sa partenaire, son mentor, son amante, avec laquelle sa relation, jadis libre de toute convention, est devenue de plus en plus complexe; Tom, père d’une jeune adolescente de douze ans et nouvellement divorcé, de qui elle s’éprend après une soirée arrosée entre amis. Et que dire d’Éve, No, Nini et El Tornado, ses amis, ses confidents, ses comparses de cirque, avec lesquels elle ressent un vide de plus en plus défini? Mais qu’est-ce qui cloche dans la tête de Kira? Pourquoi se met-elle constamment les pieds dans les plats, elle qui devrait être en parfaite maîtrise de son corps et de son environnement? Est-elle l’unique responsable de son malheur ou l’insouciance de Tom y est pour beaucoup?

Selon toutes apparences, Kira n’a jamais réellement pris conscience de ses états d’âme et de ses émotions. C’est une femme impulsive qui se balance au rythme de ses envies et qui a énormément de difficultés à décliner une offre, une proposition, voire une simple sortie dans un bar. Et le plus merveilleux avec ce personnage presque totalement fictionnel, c’est que le lecteur s’y attache autant qu’un oisillon à la patte cassée. On a le goût de l’inviter boire un verre en tête-à-tête dans un bar de la métropole, de discuter tranquillement avec elle dans le creux de son oreille, de sonder son esprit à la recherche du problème, s’il y en a un, bien sûr. On a envie d’être témoin de ses erreurs ou de ses impulsivités pour lui dicter la marche à suivre, surtout lorsqu’elle est embêtée et perdue dans le brouillard de ses pensées vertigineuses. Plus la lecture avance et plus les agissements de Tom deviennent insupportables. Évidemment, leur relation compliquée, digne d’une mélodrame télévisuel, fait dévier le récit vers une relation amour-haine parfois dure à supporter, mais règle générale, la plume de Geneviève Drolet revient prendre le contrôle afin de remettre le récit sur les rails.

Dans Sexe chronique, Geneviève Drolet a réussi à dresser le portrait d’un protagoniste sincère et attachant qui remet constamment en cause son utilité dans un monde où le corps est plus que jamais un bien de consommation que l’on dévore sans ménagement. Kira réussira-t-elle à trouver son bonheur et à apprécier l’acte sexuel?

Courez en librairie vous procurer un exemplaire de ce petit bijou de la littérature québécoise. L’écriture est délectable, fluide et imagée, et chaque lecteur se reconnaîtra à travers les péripéties de Kira. En somme, l’équation parfaite pour le lecteur avide d’émotions fortes et de rebondissements.

«Sexe chronique»
Coups de tête
325 pages

Appréciation: ****

Crédit photo: Coups de tête

Écrit par: Éric Dumais

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