LittératureRendez-vous d'histoire avec
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Jean-Charles, notre dernière discussion remonte déjà à avril 2021! Le temps passe vite, n’est-ce pas? À cette occasion, en plus de faire ta connaissance, on avait entre autres jasé de ton livre «La politique québécoise: élections, scandales et réformes – 1950-1990», paru aux éditions du Septentrion. Toi qui as des goûts assez éclectiques, tes intérêts flirtant entre l’histoire, la politique, le journalisme et la musique, à quoi occupes-tu tes temps libres, depuis ces deux dernières années?
«Depuis deux ans, et en dehors de mon travail en communication, j’ai travaillé essentiellement à la rédaction d’un troisième et dernier tome sur le gouvernement Lévesque, en plus de présenter des chroniques pour l’émission Aujourd’hui l’histoire à Radio-Canada.»
«En plus de l’histoire politique québécoise et canadienne, domaine d’études dans lequel je me suis spécialisé au fil des ans, je prends goût, à travers ma passion pour l’histoire, à d’autres questions ou thèmes. Par exemple, cet été, sur les ondes de l’émission Dessine-moi un matin avec l’animatrice Catherine Perrin, on m’a demandé de traiter de sujets qui me touchent, qui me passionnent. L’une des premières chroniques portait sur l’histoire des jardins, une autre de mes grandes passions.»
«En fait, j’aime de plus en plus m’aventurer dans de nombreux aspects de l’histoire d’ici et d’ailleurs qui me rejoignent personnellement.»
À ces centres d’intérêt s’ajoute un énième chapeau, celui de conférencier, puisque le dimanche 13 août tu as été convié par les Rendez-vous d’histoire de Québec à l’auditorium Roland-Arpin du Musée de la civilisation de Québec afin de présenter la conférence «L’homosexualité dans l’histoire politique du Québec». Voilà un axe fort intéressant, ma foi! Comment as-tu accueilli cette proposition, et qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’approfondir ce sujet, précisément?
«Comme homme gai et militant de la cause LGBTQ+ depuis de nombreuses années, ce thème m’interpellait particulièrement.»
«J’ai pu constater l’évolution de la question gaie depuis ces dernières décennies dans notre société, ce qui a permis une ouverture certaine aux hommes et aux femmes politiques gais. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Et je crois que cette question de la défense du droit de la communauté LGBTQ+ est toujours des plus pertinentes à une époque où certains courants plutôt conservateurs remettent en question certains droits (qui ne sont malheureusement acquis), comme on n’a pu le voir récemment avec certaines décisions de la Cour suprême des États-Unis.»
Justement, à travers cette conférence gratuite, tu t’attarderas brièvement sur «l’histoire des gais en Amérique du Nord depuis le début des années 1960, puis sur celle des premiers hommes politiques ouvertement gais». Aurais-tu la gentillesse de nous en dire plus, histoire de bien piquer la curiosité de nos lecteurs et lectrices?
«Bien sûr. Je compte d’abord revoir les grandes étapes de cette longue marche pour l’avancement des droits de la communauté LGBTQ+ avec une première grande victoire en 1969 lorsque le ministre fédéral de la justice, un certain Pierre Elliott Trudeau, a décriminalisé l’homosexualité entre adultes consentants. Il y aura d’autres victoires, certaines mêmes sont assez récentes, alors que les mentalités des Québécois évoluent positivement sur cette question.»
«En parallèle, la vie politique évolue vers une plus grande ouverture, mais les débuts des premiers hommes politiques gais, qui doivent le cacher publiquement, ce qui les rend vulnérables, sont loin d’être faciles. J’aborde donc une question plus large, celle de l’évolution des droits des gais, tout à la ramenant à des expériences personnelles.»
«Une approche qui reflète toutes les dimensions humaines et sociales de cette question.»
Et dis-nous, pourquoi qualifiez-vous le cas de Claude Charron, homme politique et animateur de télévision aujourd’hui âgé de 76 ans, et dont la passion de la politique était déjà au cœur de ses préoccupations en 1967 alors qu’il avait tout juste 20 ans –, comme étant «spécifique»? On est curieux de mieux comprendre l’impact qu’il a eu sur la société québécoise et l’importance qu’il revêt à vos yeux!
«Dans le cadre de mes recherches sur le gouvernement Lévesque, j’ai eu la chance de faire une longue entrevue avec Claude Charron, qui m’a raconté quelques anecdotes sur son parcours d’homme politique gai. Il a été élu en 1970 et, bien que ses amis connaissaient son homosexualité, il ne le disait pas publiquement. Même ses parents ne le savaient pas. Il a d’ailleurs été menacé de se faire outer à ses parents par un appel anonyme…»
«Au-delà de l’anecdote, cela démontre la difficulté pour ces hommes de faire de la politique et d’être, dans les faits, condamnés à vivre une double vie qui pèse lourdement sur leurs épaules. Après avoir démissionné de la vie politique en 1982, Claude Charron a écrit un livre émouvant où il fera son coming out et pourra enfin vivre qu’une seule vie.»
«En ce sens, Claude Charron a réussi, par son courage, à tracer une voie en politique pour d’autres qui allaient le suivre.»
En entrevue dans le Reader’s Digest, des jeunes écrivaient à M. Charron: «Sur la place publique, vous êtes la personne homosexuelle que j’admire le plus», ce à quoi il avait répondu: «Individuellement, être homosexuel demeure toujours aussi difficile, même si, socialement, ça l’est moins». Est-ce votre opinion, à vous aussi, ou vous trouvez que, depuis, on a avancé dans la bonne direction, collectivement?
«À l’heure actuelle, je crois que la question des droits de la personne, que ce soit plus particulièrement pour les droits des femmes, les gens issus de la diversité ou de la communauté LGBTQ+, est plus que jamais d’actualité. On voit que rien n’est acquis. Je rappelle que dans le monde, l’homosexualité est réprimée par la loi dans 69 pays et que de nombreux pays considèrent les relations homosexuelles comme un crime. Alors, oui, il y a certains acquis dans certaines parties du monde, et il faut en être fiers, mais il faut aussi demeurer vigilants et ne jamais baisser les bras. Après tout, l’égalité des droits pour tous constitue l’un des fondements des plus importants de nos démocraties.»