LittératureRomans québécois
Serge Bruneau, né à Montréal, n’en est pas à ses premiers balbutiements en tant qu’écrivain. Il a d’abord commencé par suivre une démarche picturale en tant qu’artiste peintre dans le milieu des années 70. Il a ensuite poursuivi ses études universitaires jusqu’à la maîtrise en arts. La rédaction de textes sur l’art pour des revues l’a, peu à peu, amené à l’écriture romanesque. «Quelques braises et du vent» est son cinquième roman, après «Hot Blues» (2003), «Rosa-Lux et la baie des anges» (2003), «L’enterrement de Lénine» (2006) et «Bienvenue Welcome» (2009), tous parus aux Éditions XYZ.
On reconnait Serge Bruneau pour son talent narratif et descriptif, jamais trop teinté de flafla, un peu comme un peintre joindrait la perspective et l’efficacité globale. L’artiste détient une écriture aussi structurée que fluide. Manipulant avec soin les mots, il a l’expérience de doser adéquatement un récit, ce qui lui permet d’emmener le lecteur dans ses histoires comme on saurait cajoler un enfant désemparé.
S’il ne dévoile rien de surprenant dans ce roman de quelques deux cents pages, il va pourtant droit au cœur dans cette histoire-ci, laquelle, au préalable, pourrait sembler anecdotique, mais qui finit par nous titiller l’esprit toujours plus en profondeur.
La thématique de ce roman tourne autour de la jalousie non assumée entre frère et sœur, tous deux tourmentés par des jugements pour la plupart mal fondés. C’est qu’en réalité, l’héritage de leurs parents et les sentiments malaisés leur semblent si vrais, si réels. L’heure est aux confrontations quand le verre commence à être un peu trop plein face à l’éducation, qui, d’un point de vue universel et sagement raconté, n’est jamais satisfaisante pour quiconque. L’éducation émotionnelle semble avoir été injuste à leur égard, ce qui les positionne face à de grands manques affectifs de part et d’autres. Lucide face aux troubles créant de telles envolés de reproches l’un envers l’autre, le moral du protagoniste, nommé Marc, prend tout une débarque quand vient le temps de s’exprimer. On parle donc de compétition pour plaire à papa. Mais qu’arrive-t-il lorsque le paternel équivaut à absence et indifférence? Les enfants se chargent de se créer maladroitement des carapaces, nul besoin d’être psychologue pour comprendre cela.
Leur fragilité et leurs conversations imprudentes les amènent constamment dans des zones plus sensibles. Comment atténuer cette crise de nerfs en devenir? En sautant pieds joints au centre du problème en souhaitant crever l’abcès? Marc, le protagoniste, ne désire pas un tel sort, ni pour lui, ni pour sa sœur (qu’il aime et qui le rend jaloux), encore moins pour les rescapés de sa famille, tous au bord du naufrage. Mais le silence et les remords commencent à le ravager de l’intérieur…
Sauront-ils manier compromis, compréhension, ouverture d’esprit et acceptation afin de cicatriser leurs blessures respectives? Quelques brises et du vent est un roman sobre et juste qui offre des passages lyriques superbement écrits. Un petit bijou qui plaira sans doute aux amoureux de la psychologie familiale contemporaine.
«Côte à côte, plantés devant les urinoirs où nous y allions de nos jets respectifs, je me suis dit que ce moment-là en valait bien un autre. Si j’avais pu choisir, j’aurais préféré nous voir assis devant un repas à siroter un verre de vin ou encore bien installés sur un banc de parcs à regarder le vent jouer dans les feuilles. Mais il y a des choses qui chassent le décor, le repoussent dans un étourdissant zoom in pour s’en tenir à l’essentiel, et c’est donc enveloppé d’une odeur d’urine et de boules à mites que je me suis raclé la gorge en cherchant par quel bout attraper ce morceau de braise qui me brûlait les lèvres.»
«Quelques brises et du vent»
Édition XYZ
212 pages
Appréciation: ***1/2
Crédit photo: Les Éditions XYZ
Écrit par: Olivier Boivin