«Quelque chose comme une odeur de printemps» d’Annie-Claude Thériault: vivre avec la schizophrénie – Bible urbaine

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«Quelque chose comme une odeur de printemps» d’Annie-Claude Thériault: vivre avec la schizophrénie

«Quelque chose comme une odeur de printemps» d’Annie-Claude Thériault: vivre avec la schizophrénie

Publié le 20 juin 2012 par Éric Dumais

Après avoir remporté plusieurs concours de nouvelles, Annie-Claude Thériault, jeune auteure originaire de l’Outaouais et enseignante de philosophie au Collège Montmorency, signe avec Quelque chose comme une odeur de printemps un premier roman délectable au centre duquel la schizophrénie fait rage dans le quotidien d’une famille moderne.

«Je voudrais crier pour que tout cela cesse. Je voudrais prendre Joachim par les épaules et le brasser si fort, si fort qu’il en perdrait ses feuilles. Le ramener avec nous. Il me semble qu’en le secouant assez vigoureusement, il pourrait se passer quelque chose, une prise de conscience, je ne sais pas, une illumination, un soudain réveil après des années de sommeil, n’importe quoi, mais quelque chose.»

Béatrice Dugas a 13 ans. C’est une jeune fille intelligente, curieuse et attentionnée, et, malgré les apparences, elle voue un amour sans borne pour son papa, sa maman, sa jeune sœur Philomène, mais surtout pour son grand frère Joachim, atteint de schizophrénie. Les manies biscornues de ce dernier (parler à ses poissons rouges des heures durant, faire exploser des grenouilles en pleine nuit, dévisser les vis des électroménagers et des haut-parleurs au cas où il y aurait des micros cachés quelque part, etc.), rendent Béate perplexe quant à sa santé mentale. Mais ce qui l’exaspère plus que tout, c’est que ses parents, en apparence si tristes et impuissants, ne semblent pas se rendre compte que leur fils marche sur une corde raide et que la maladie le gagne de plus en plus.

Béate n’est peut-être qu’à l’orée de l’adolescence, mais son regard lucide sur le monde et les enseignements de ses amis Wu (Chloé) et M. Pham, lui font prendre conscience que Joachim, bien malgré lui, est littéralement en train de détruire sa vie et sa famille. Une solution, terrible celle-là, tombera telle une tonne de briques sur les épaules de la famille Dugas le 20 février 1996: Joachim trouvera la mort dans un accident de voiture, alors que Béate était derrière le volant. Suite à ce terrible évènement, la vie jusqu’alors précaire de Béate, maintenant rongée de remords, empruntera une autre tournure encore plus difficile à accepter.

Roman réaliste et drame du quotidien, Quelque chose comme une odeur de printemps est une œuvre rafraîchissante mais poignante, d’autant plus qu’elle raconte le quotidien de gens banals chez qui le malheur a sonné plusieurs coups. La maladie mentale est de plus en plus présente au sein de notre société moderne et dans de nombreux cas il est dur de l’éradiquer totalement, surtout lorsque les proches de la victime sont dans l’ignorance. En réalité, le drame de la famille Dugas est celui de milliers d’autres personnes, et c’est probablement ce qui rend ce récit aussi touchant.

Annie-Claude Thériault emprunte un style naturel et sincère pour décrire le quotidien d’une bonne famille, et sa plume, délicate et ludique, voire un brin humoristique, permet au lecteur de savourer les charmes d’une écriture fraîche comme la rosée et de se laisser transporter sans résister dans le tourbillon des grands questionnements d’une jeune adolescente plus mature que son âge.

Roman d’un quotidien ravagé, Béatrice ne se laisse pourtant pas sombrer dans la dépression hivernale qui approche à grands pas. Cette grande amoureuse des odeurs, qui aime à renifler les effluves des bourgeons à l’approche du printemps, s’accrochera à cette bouée de sauvetage naturelle, d’où l’origine du titre du roman, pour sauver sa vie du désespoir et retrouver ainsi la bonne humeur printanière, signe que la vie continue et que les arbres vont fleurir à nouveau.

Quelque chose comme une odeur de printemps est un roman d’une simplicité et d’une lucidité désarmantes qui vous charmera dès les premières pages. Annie-Claude Thériault a su manier habilement la langue et les sentiments de ses personnages pour donner un souffle de vie à une œuvre qui saura trouver son chemin, dans l’avenir, jusqu’au cœur des gens.

«Quelque chose comme une odeur de printemps»
Éditions David
169 pages
21,95 $

Cliquez ici pour accéder à l’entrevue réalisée avec Annie-Claude Thériault.

Appréciation: ****

Crédit photo: Éditions David

Écrit par: Éric Dumais

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