LittératureRomans québécois
Crédit photo : Somme Toute
Sylvie Laliberté raconte cette histoire avec une fausse naïveté, dont le contraste avec la gravité des évènements relatés révèle l’absurdité, la violence et l’hypocrisie qu’à une époque les Italiens du Québec ont dû endurer, et qu’ils ont transmises malgré eux à plusieurs générations. Pourtant, le texte n’est jamais lourd: la plume de Sylvie Laliberté ménage pour le lecteur, et comme elle seule sait le faire, des moments de silence, de recueillement, d’examen.
Quand j’étais italienne, c’est l’histoire que raconterait une petite fille, diablement lucide, l’histoire de sa maman, l’histoire de son grand-père interné dans un camp pour être né italien, l’histoire des préjugés et des injures, «mais les Italiens puent. C’est un problème depuis longtemps. C’est pour ça qu’il y a toujours eu plein de bonnes blagues à ce propos. Ils puent et sont poilus.» Cette petite fille veut que l’on comprenne bien que ces évènements ne sont pas des détails de l’Histoire. Et pour cela, elle déploie une arme redoutable: les photos de famille. Parce que chacune de ces personnes a tout fait pour oublier d’être italienne, du pâté chinois à la Javel, de l’oubli de la langue au militantisme pour un Québec libre…
Et la langue de Sylvie Laliberté, sa plume inimitable qui rebondit de mots en mots pour les enrichir, se met au service de l’histoire de sa mère, qui ne peut plus la raconter, et de l’Histoire du Québec, qui ne s’est pas retourné pour la raconter. Ce récit est tout simplement magnifique. Lumineux. Sylvie Laliberté évite les écueils des discours militants et revanchards, elle expose dans son dépouillement et en pleine lumière, une blessure, un regret, celui de ne pas avoir pu être ce qu’elle était née. Un magnifique récit à conserver, pour pouvoir le relire et le partager.
Sylvie Laliberté, «Quand j’étais italienne». Éditions Somme Toute, 90 pages, ISBN: 978-2-924283-01-1.
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