LittératurePoésie et essais
À 37 ans, la journaliste, blogueuse et rédactrice en chef du magazine EnRoute d’Air Canada, alors en voyage d’affaires à Jérusalem, revient à Montréal complètement chamboulée. Les charmes de la Terre sainte, le mont des Béatitudes, la mer de Galilée, le mont des Oliviers, Bethléem, Nazareth et l’église du Saint-Sépulcre ont eu raison de sa soif de découvertes, mais c’est définitivement en tombant sur une brochure intitulée Comment on devient juif à l’aéroport que l’idée de se convertir, à l’orée de la quarantaine, s’est fait ressentir dans l’esprit de Lise Ravary comme un désir urgent à assouvir.
«Depuis vingt ans, je me pose les trois même questions: Pourquoi moi? Pourquoi ça? Pourquoi maintenant?», écrit une Lise Ravary quelque peu abasourdie devant l’écriture d’un récit autobiographique racontant les épisodes marquants de sa conversion au judaïsme. Ainsi, l’auteure, en amour total avec le judaïsme depuis vingt ans nous fait entrer dans un épisode ayant marqué les cinq dernières années de sa vie, à savoir celui qu’elle a passé au sein de deux communautés hassidiques de Montréal.
Malgré le désaccord flagrant de ses deux filles et le jugement réprobateur de certaines personnes de son entourage, Lise Ravary a fait à sa tête et a décidé d’aller jusqu’au bout de ses convictions en se convertissant à une religion qui l’avait depuis longtemps charmée. «Comme le bonheur, la foi est aussi un choix. Un choix que j’ai fait à cette période de ma vie parce que la foi ajoutait à ma vie une dimension morale et éthique d’une qualité et d’une profondeur que je n’avais trouvées nulle part ailleurs», écrit-elle.
Pourquoi moi? – Ma vie chez les Juifs hassidiques raconte donc une période charnière dans la vie d’une journaliste reconnue qui nous ouvre les pages de son cœur en étalant sans pudeur ses connaissances du judaïsme et des juifs, les raisons expliquant sa décision, ainsi que les principales difficultés qu’elle a traversées pour réussir à devenir une véritable convertie aux yeux de la communauté juive.
Une conversion orthodoxe ne se négocie pas sur un coup de tête: il faut d’abord prouver l’intensité de sa foi à un rabbin, qui vous rejettera trois fois, en plus de respecter les 613 commandements que Dieu a dictés à Moïse, lesquels sont rassemblés dans la Torah. «Devenir juif, c’est à la fois adopter une tradition religieuse et devenir membre à part entière d’un peuple ancien. Je faisais déjà partie d’un peuple, le peuple québécois, mais rien n’empêche la double identité. Ajouter l’histoire juive à mon bagage intellectuel et culturel n’a pas pour autant effacé mon passé ni la mémoire de mes ancêtres.
Ainsi, on entre dans l’intimité d’une femme forte qui n’a pas lâché prise dans les moments les plus pénibles de son apprentissage (manger casher demande une motivation de fer, apprendre l’hébreu pour réciter ses prières, participer au shabbat tous les vendredis soir et respecter la tradition qui dure vingt-cinq heures par week-end, être jugée devant un beth din pour être une véritable convertie) et qui, malgré toutes ces contraintes, a réussi à réaliser un désir qu’elle avait en tête depuis fort longtemps.
À ce jour, Lise Ravary a rompu avec le judaïsme orthodoxe et avec le hassidisme en général: «L’attitude des autorités rabbiniques orthodoxes à mon égard a joué un grand rôle dans ma décision. Il est clair que je ne pouvais accepter de me séparer de mes enfants». L’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin par le juif Yigal Amir y est aussi pour quelque chose. Ses relations avec ses amis non juifs en ont pris un dur coup, elles aussi, tout comme le temps qu’elle consacrait à ses filles mais, malgré tout, Lise Ravary a réussi à bien intégrer ses cours de conversion et son emploi pour vivre le plus sainement possible.
L’information peut certes être très dense par endroits, car il y a d’infimes détails à connaître avant de se lancer pieds joints dans l’aventure, mais la plume pédagogique de Lise Ravary, ses suggestions recettes, les blagues juives qui apportent une dose de légèreté à ses confessions et ses quelques apostrophes aux lecteurs à des endroits stratégiques vous aideront à passer à travers cet ouvrage qui vous apportera assurément une vision plus positive que celle que vous vous êtes forgée des juifs hassidiques dans votre esprit.
Pour vous mettre l’eau à la bouche, vous pouvez lire notre appréciation d’une œuvre de fiction légère sur les juifs hassidiques de la rue Hutchison, à Montréal, intitulée Le sourire de la petite juive d’Abla Farhoud, paru chez VLB Éditeur en 2012.
Appréciation: ****
Crédit photo: Libre Expression
Écrit par: Éric Dumais