L'essai collectif «Pour l'amour de mon pimp» | Bible urbaine

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«Pour l’amour de mon pimp – Six survivantes de la prostitution se racontent»

«Pour l’amour de mon pimp – Six survivantes de la prostitution se racontent»

Pour jeunes filles naïves en pleine quête d'amour... entre les coups de poings

Publié le 7 avril 2015 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Éditions Publistar

Diane Veillette et Josée Menales, deux policières du programme Les Survivantes du SPVM, visant à soutenir les femmes dans leurs tentatives pour sortir du milieu du sexe, et le romancier et dramaturge Guillaume Corbeil ont mis leurs talents et leur expérience en commun pour révéler, à travers les parcours prostitutionnels de six jeunes femmes ayant dû vendre leur corps à Montréal et ses environs, le plus vieux métier du monde sous son jour le plus sordide. Les témoignages de deux mères, de plusieurs intervenants et chercheurs des Centres jeunesses de Montréal ainsi que d'une représentante à l'aide juridique, des CAVAC (le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels) et d'un sergent-détective du SPVM viennent aussi compléter ce portait, et le remettre, jusqu'à un certain point, en perspective.

La préface de Rose Dufour laisse présumer du pire en terme de manichéisme: un univers du sexe où on ne trouve que des exploiteurs: les clients, les proxénètes, les propriétaires de bars de danseuses…et des exploitées. En parcourant les différents récits de vie, il est difficile, en effet, de ressentir, ne serait-ce qu’une once de compassion envers les proxénètes. Mais tout n’est pas noir du côté des victimes: le mélange de détresse et de candeur de ces jeunes femmes qui aiment trop et mal, mais finissent par retrouver la plus belle part d’elles-mêmes, révèle un univers plus douloureux encore, mais lumineux, aussi, par moments.

Même si, à la base, certaines jeunes femmes étaient plus motivées par l’amour, et d’autres par l’argent, et que la présence, parmi elles, de quelques premières de classe de bonne famille peut sembler atypique, leur cheminement prostitutionnel est remarquablement similaire: ce qui devait n’être pour elles que quelques difficiles journées en échange de beaucoup d’argent s’est finalement avéré une activité ruineuse tant physiquement, psychologiquement que matériellement, qui s’est étirée durant des mois ou des années, sous la pression des coups, des viols et du chantage de leur proxénète. Trop terrorisées pour demander de l’aide ou mal reçues lors de leurs premières tentatives, c’est finalement presque malgré elles qu’elles ont été tirées des griffes de leur oppresseur et après un patient accompagnement du SPVM qu’elles parviennent aux aveux menant à des accusations.

Mais peut-on résumer toute la prostitution à ces cas aussi extrêmes que ceux qui ont ainsi requis cette protection physique? Assurément non. L’ouvrage ne dit pas que toutes les prostituées ne sont pas aussi jeunes, qu’elles ne subissent pas toutes une violence aussi explicite, et ne sont pas toutes en proie à des proxénètes. On parle encore moins de la prostitution masculine, souvent régie par d’autres règles. Mais l’heure est à l’éducation et à la sensibilisation plus qu’aux résultats scientifiques. C’est d’ailleurs pourquoi on s’est visiblement permis de «retoucher» les témoignages. Ce choix est compréhensible: Guillaume Corbeil écrit rudement bien et rend sans doute mieux le message de ces jeunes femmes qu’elles ne l’auraient fait par un discours plus hésitant.

Chacune exprime à sa manière le désir de témoigner afin d’éviter à d’autres, à la lecture de leur histoire, de suivre leur trace sur leurs souliers plate-forme. Mais parviendront-elles à leur but? Malgré leur finale pleine d’espoir et les conseils pertinents des intervenants, il est permis d’en douter. Les récits sont nettement trop dramatiques pour donner l’envie à une jeune fille naïve de s’y identifier, et qui plus est, si elle tombe amoureuse. La richesse des propos, la beauté de la plume de Corbeil et l’urgence de la situation valaient quand même la peine de tenter de coup.

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