«Petites pierres blanches» par Maurice Henrie: petits périples poétiques – Bible urbaine

Littérature

«Petites pierres blanches» par Maurice Henrie: petits périples poétiques

«Petites pierres blanches» par Maurice Henrie: petits périples poétiques

Publié le 14 décembre 2012 par Evelyne Ferron

Enseignant, travailleur de la fonction publique et surtout auteur primé traduit en anglais et en espagnol, Maurice Henrie nous offre un nouveau recueil de nouvelles, son seizième ouvrage, empreint d’images et de poésie. Divers périples qui nous invitent tantôt à nous replonger dans nos propres souvenirs, tantôt à réfléchir sur nos actions, ou à nous interroger plus globalement sur le monde dans lequel nous vivons.

Surtout, j’aperçois la belle figure d’Antioche, le premier roi de Commagène, qui me dévisage de son regard de pierre. Il y a deux mille ans, les Romains, dit-on, ou peut-être des tremblements de terre, ont précipité les sculptures à bas de leur socle, au pied duquel les archéologues les ont retrouvées. Il ne reste d’elles que ces superbes têtes en marbre poreux, élimées par le temps, piquetées de petits trous et cabossées par leur chute et par les années.

Ce qui frappe de prime abord dans ce recueil de nouvelles de Maurice Henrie, c’est la vivacité des images véhiculées à travers des nouvelles très succinctes. Qu’il nous raconte un voyage, qu’il nous parle d’un jardin, d’amour ou de culture, il parvient à nous transmettre une mosaïque d’impressions avec lesquelles nous pouvons méditer.

Le recueil est divisé en sept thématiques qui permettent à l’auteur de nous transporter dans divers univers. Les premières nouvelles tournent autour des voyages et nous rappellent chacune à leur façon ces événements qui peuvent paraître anodins aux yeux des autres, mais qui marquent notre imaginaire lorsque nous sommes un voyageur. Des sons, des sensations, le froid, la musique, etc. Mais le voyage peut aussi être celui des autres, comme la nouvelle simplement intitulée «Outardes», qui réfère davantage à cette nostalgie de l’arrivée de ces oiseaux qui annoncent le printemps. Une nouvelle comme «Partir» nous force quant à elle à nous interroger sur les raisons du départ:

Une fois parti, une fois que je plane bien haut au-dessus de la rumeur qui monte de la terre et que le retour en arrière n’est plus possible, alors seulement je me permets de revenir sur la question et de m’interroger sur les motifs de mon départ.

Les autres thématiques nous portent vers l’humour, le quotidien, la culture, les relations, des coquineries dites insolites et des réflexions variées. Mais le voyage, thème de départ, n’est pourtant jamais bien loin. Ici une référence à une publicité sur la Floride et là une réflexion liée à la visite d’un vieux château médiéval. Ces nouvelles posent aussi un regard sur notre société, notre façon d’agir collectivement et nous forcent, souvent avec un brin d’humour, à nous questionner sur nos propres comportements. À cet égard, une nouvelle sur la contagion nous permet de rire un tantinet de nous-mêmes à travers notre attitude face aux cliniques médicales, à l’attente et aux risques de contagion:

Je m’assois contre le mur. Loin de la contagion. Une femme s’assoit aussitôt sur la chaise d’en face avec deux enfants morveux qui me regardent fixement de leurs yeux ronds. Des jumeaux peut-être. Ils toussent à répétition dans ma direction, directement dans mon visage, aurait-on dit.

C’est ce mélange thématique qui rend ce recueil de nouvelles intéressant et agréable à lire. Chaque nouvelle est très différente de l’autre et toutes nous convient à voyager avec des personnages, parfois anonymes, et à vivre en moins de trois ou quatre pages une petite partie de leur histoire personnelle. Certaines font écho à notre propre vie, d’autres nous font sourire de par la réflexion qu’elles cherchent à activer, et d’autres nous attendrissent par la douceur ou le ton mélancolique du propos.

Un bel ouvrage tout en finesse, tout en douceur, qui fait sourire, réfléchir et parfois même réagir. La langue est belle, poétique, même lorsqu’elle permet à des gens de s’exprimer avec leur propre langage. Des petites pierres blanches à suivre pour s’évader un moment en Turquie ou ici, et pour le plaisir d’ouvrir une multitude de portes souvent inconnues et parfois très familières.

Appréciation: ****

Crédit photo: Éditions David

Écrit par: Evelyne Ferron

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