«Petit manuel du travail autonome» de Judith Lussier et Martine Letarte: pour se lancer sans risquer sa chemise

«C’est en forgeant qu’on devient forgeron», disait l’adage. Judith Lussier et Martine Letarte l’ont bien compris dans l’ouvrage qu’elles viennent de faire paraître: truffés de témoignages et de conseils éprouvés, les deux journalistes indépendantes font partager leur passion pour le travail autonome.

Qu’ont en commun l’auteure India Desjardins, l’architecte Alexandre Shareck, ou l’instructrice de Pilates Maude Smith Gagnon? Ce sont des travailleurs autonomes, bien sûr, mais surtout, ils font partie de la quinzaine de travailleurs indépendants dont les témoignages viennent enrichir les conseils de Lussier et Letarte. Les auteures, elles-mêmes aguerries dans leur domaine, ont cru bon de partager leurs bons et moins bons coups.

Petit manuel du travail autonome se veut donc comme un survol de cette pratique de plus en plus prisée des Québécois: ils sont 545 000 dans la belle province, soit plus 14% de tous les travailleurs nous apprennent-elles dans l’introduction. Plus question de parler de minorité, mais toujours autant d’inventivité et de persévérance, car pour y arriver, surtout quand l’on est seul, c’est bien de pouvoir s’inspirer de ceux qui ont fait leurs premiers pas avant nous.

En six chapitres bien pensés et quelque 200 pages, juste assez pour en apprendre et donner envie d’en connaître davantage, l’ouvrage fournira les premières armes à ceux qui voudraient se lancer à leur compte, et apportera des points de vue pertinents à ceux qui l’ont déjà fait. Étant moi-même travailleuse autonome depuis un peu plus d’un an, j’ai pu confronter mes choix et manières de faire, m’inspirer des solutions proposées, et constater les pièges auxquels il faut faire très attention.

Dur, dur les mythes!

Malgré que près de 1 travailleur sur 6 soit un travailleur autonome, les mythes perdurent à leur endroit, et les auteures s’attaquent à les démonter dès le premier chapitre. Des exemples? Les travailleurs autonomes font la belle vie, font ça en attendant de trouver un «vrai» travail, mènent une vie instable, sont incapables de vivre de leur labeur, et ont tous une discipline de fer. Et c’est avec un humour certain que les auteurs démontrent le contraire:

«Si certaines personnes croient qu’on ne travaille pas vraiment, c’est peut-être qu’on fait un boulot tellement passionnant qu’il n’apparaît pas comme du travail. Or, qui a dit qu’un travail devait être ennuyant? Oui, on travaille fort, mais, oui, on fait aussi la belle vie parce qu’on aime notre travail. Et on ne voit pas ce qu’il y a de mal là-dedans.»

Le revers de la médaille

Le ton employé par Letarte et Lussier est celui de la confidence: en plus de combiner leurs témoignages personnels à ceux d’autres travailleurs, elles ajoutent aussi les conseils d’experts de toutes sortes: comptables, spécialistes en gestion, professeurs, psychologues et conseillers. Eux interviennent dans des domaines plus techniques, mais pas trop, pour maximiser l’expérience, mais aussi parce que tous les indépendants doivent faire leurs impôts, concilier vie professionnelle et personnelle, acheter un jour ou l’autre de l’équipement ou subir des périodes creuses, ou encore faire face à un manque de confiance.

Leurs témoignages sont prudents et nuancés, et permettent de laisser paraître le revers de la médaille du quotidien des travailleurs autonomes. Sans jamais tomber dans la caricature ou l’élitisme, Lussier et Letarte offrent un excellent tour d’horizon de la profession de travailleur autonome, car c’est bien après tout une profession en soi.

Les chapitres sur l’organisation et les meilleures manières de décrocher sont particulièrement instructifs, car ils nous font entrer avec légèreté dans l’intimité d’un travailleur autonome. Et comme, on n’est jamais servi si bien que par soi-même, dixit les auteures dans l’épigraphe, vaut mieux s’armer avant de s’engager seul au front.

Petit manuel du travail autonome: conseil et témoignages, Martine Letarte et Judith Lussier, Éditions La Presse, 2013, 199 pages

Appréciation: ****

Crédit photo: Les Éditions La Presse

Écrit par: Annabelle Moreau