LittératureRomans québécois
Crédit photo : Les Éditions XYZ
Les frères Verdier se détestent depuis toujours. L’ainé, Victor-Hugo, est affublé d’un pied-bot et est désavantagé par des traits disgracieux. Le cadet, Napoléon-Bonaparte, est beau, grand et fort. Il rentre de la guerre au moment même où leur père rend l’âme. Pas de chance pour Vic, le père, embarrassé et honteux d’avoir eu un fils infirme, a tout légué au valeureux soldat. Tout, sauf l’imprimerie, qui peine à être rentable. Autant dire des pinottes pour Vic. Surtout que, par les temps qui courent, le métier d’imprimeur semble risqué: deux d’entre eux viennent de connaître une mort brutale très suspecte à Montréal.
Heureusement, Victor-Hugo peut toujours compter sur ses fidèles amis de bordel pour l’aider à déjouer un complot qui semble vouloir sa peau: Joan, la courtisane anglaise, Toby, le journaliste juif et Madeùs, le pianiste aveugle neveu d’un chef mafieux, auxquels se joindra éventuellement Rosie, la négresse blanche prestidigitatrice.
On le voit, tout est en place pour un thriller comique aux rebondissements arrangés avec le gars des vues. Dans un style assez dynamique où les explications s’insèrent dans les dialogues, l’intrigue rappelle un certain type de feuilleton policier misant davantage sur les évènements que sur la psychologie. Donnant dans la caricature par moments, les personnages nous offrent néanmoins quelques bulles d’originalité très appréciées, dont les descriptions savoureuses que Vic fait à voix haute pour son ami aveugle.
Car Victor-Hugo est doué avec les mots. Mais évidemment, un imprimeur portant un nom célèbre qui aurait la prétention d’écrire, ce serait complètement ridicule. Il se cache donc derrière un pseudonyme (Pierre Cimon, eh oui, toute est dans toute!) pour publier dans le journal Le Mercure (compétiteur du Soleil) les aventures d’un enquêteur brillant et de son loyal assistant. Le roman est ainsi ponctué d’épisodes de cette chronique, dont le héros s’appelle Gonzague Aylwin. À la fois exutoire et alter ego rêvé de l’imprimeur, sa dernière aventure préparera en quelque sorte la disparition de ce dernier. Mises en abyme et intertextualité atteignent leur paroxysme lorsque notre auteur Vic Verdier attribue à Victor-Hugo Verdier le nouveau nom de Gringoire Aylwin.
Si la reconstitution, à moitié imaginée, de la ville de Québec à la belle époque fait plaisir à lire, le récit semble parfois au service du jeu intertextuel plutôt que l’inverse. L’originalité de l’intrigue en souffre un peu et le texte s’avère inégal dans son humour et sa truculence. À lire au bord de la piscine, ce sera parfait.
L'avis
de la rédaction